Le kaki, auguste fruit du plaqueminier

fig.1 G. Severeyns, Nouveaux Kakis, Chromolithographie extraite de la Revue horticole, 1887 ©Bibliothèque de la SNHF, fonds ancien

Du grec ancien « Dios »/divin et « Pyros »/feu, c’est-à-dire le « feu divin », le kaki est cultivé depuis plusieurs siècles en Extrême-Orient et en Occident pour ses fruits et pour son aspect ornemental, flamboyant  à juste titre. Il est parfois traduit aussi par « céréale ou blé divin » par allusion à sa forme de grain rond et brillant, bien qu’il ne soit pas du tout de la taille ni de la famille des Poacées. 

Histoire et culture du Kaki

Matteo Ricci (1552-1610) lors de son séjour en Chine a décrit  le  genre des Diospyros et les augustes fruits du Kaki, arbre issu de la famille des Ébénacées (fig.1).  Il est difficile de préciser sa géographie originelle mais il provient d’Asie d’où il tire son nom de « Plaquemine » de Chine, d’Inde, du Japon ou de Corée. Le Kaki, ou shi tze en chinois,  était en effet une importante source de revenus pour de nombreux districts en étant propre à la consommation alimentaire et pour être utilisé à des fins médicales. En témoigne le récit d’un voyageur français du 18e siècle conservé à la BNF, dans lequel des pages illustrent des marchands de kakis vus en Chine, accompagnées de commentaires descriptifs : « Marchand d’une espèce de figue-caques qu’on fait sécher, qui se couvre de sucre comme les bonnes  figues de Provence. Elles en donnent une si grande quantité qu’on en recueille pour faire des pastilles qu’on donne aux malades, elles sont excellentes pour les rhumes et les maux de poitrine. » (fig.2)

fig.2 Marchand de Figues-Caques in Rue de Pékin, 17…, aquarelle et gouache, 2 vol., 386 dessins ©BNF

Le Diospyros kaki, Kaki ou Plaqueminier, est acclimaté en Europe probablement grâce à Joseph Banks après son voyage avec Cook en 1768, et fait aujourd’hui partie des arbres populaires des jardins européens. En 1908, un journal vantait les qualités du kaki comme l’« Arbre à trois fins : industriel pour son bois, ornemental pour son port et la beauté de ses fruits, utile pour l’excellence de ces mêmes fruits » (1). Habituellement, il ne dépasse guère les 5 à 15 m de hauteur. Les fruits seraient vraisemblablement plus sucrés quand les arbres sont plantés sur des terrains calcaires plutôt que siliceux. On trouve en Amérique le Diospyros virginiana, qui peut atteindre jusqu’à 30 m de haut. Ses fruits, plus petits que le Diospyros kaki, mesurent environ 4 cm de diamètre et son feuillage est alterne et lancéolé. Louis-Martin Berthault (1770-1823), paysagiste de l’impératrice Joséphine en plante au domaine de la Malmaison (2). Il était cultivé à grande échelle en Californie à la fin du XIXe siècle.

fig.3 Plaqueminier faux-lotier, vue 52, in Oiseaux et plantes peints à gouache, avant 1800, ©BNF

Le Plaqueminier faux lotier (Diospyros lotus, fig.3) est plus rare mais il est aussi présent dans les vergers d’Asie ou d’Europe dès le 16e siècle comme en témoigne le jardin londonien de Gerard à Holborn, concepteur de l’Herball illustré de gravures sur bois (1597) et qui décrit des pratiques de jardinage et de culture de nombreuses plantes. Le feuillage de cet arbrisseau est lancéolé et ses baies comestibles, mais ayant peu de chair, sont aussi plus petites que celles du Diospyros kaki en mesurant environ 2 cm de diamètre. Il est souvent utilisé comme porte-greffe de ce dernier. On compte le Plaqueminier faux-ébénier (Diospyros ebenaster) dans cette famille qui comprend plus de deux cent espèces. On donne au fruit du kaki en Amérique le nom commun de Persimmons. L’illustratrice botanique Deborah Griscom Passmore (1840-1911) a produit plusieurs belles planches d’aquarelles représentant des kakis pour le Département d’Agriculture des États-Unis (fig.6).

fig.4 Utamaro Kitagawa (1753-1806) La Cueillette des kakis, 1803-04, estampe ©BNF

Le feuillage du Diospyros kaki est persistant ou caduque, alterne, et ses feuilles ont une jolie forme ovale à obovale et pointue, luisantes sur l’avers et velues au revers. Il donne des fleurs blanches verdâtres parfumées au printemps et en été, en bouquets pour les arbres mâles et solitaires pour les arbres femelles, puis mûrit à l’automne en épanouissant son beau feuillage vert foncé presque verni qui devient  rougeoyant, tandis que ses fruits verts, jaunissent puis rougissent avant d’atteindre leur maturité. Son écorce est rugueuse, fissurée et sillonnée (voir notamment le spécimen rapporté d’Asie par Eugène Poilane en 1924 et conservé au MNHN de Paris) et ses fruits contiennent de quatre à huit larges graines brunes et plates. C’est un arbre au large port étalé qui se caractérise par le fait que le calice brun en collerette des fruits reste accroché aux branches quand ces dernier tombent à terre. En hiver, son aspect est donc remarquable par les noeuds noirs formés par les calices séchés sur les branches à port tombant. Très rustique, le plaqueminier résiste aux hivers rigoureux et se taille au printemps. Il peut se multiplier par bouturage, marcotage ou greffe. On le plante dans les vergers en alternance avec des pêchers et des cerisiers. Le bois, solide et précieux permet de fabriquer des clubs de golfs, des manches d’outils, des encriers ou des petites statuettes dans certaines régions.

La consommation du Kaki

fig.5 Utamaro Kitagawa (1753-1806) Courtisanes ramassant des kakis, 1803-04, estampe ©BNF

C’est à l’automne que le plaqueminier donne les somptueux  kakis, anciennement appelés « figues caques », qui sont des fruits juteux au goût sucré et de couleur rouge-orangé. Il ne faut pas hésiter à attendre que le fruit tombe naturellement de l’arbre pour le consommer quand il est très mou entre les mois d’octobre et de décembre. Le peintre Utamaro Kitagawa a effectué plusieurs estampes japonaises en décrivant avec beaucoup d’humour et de poésie la cueillettes des kakis par des courtisanes battant les arbres au moyen de gaules (fig.4 ; fig.5). Le kaki se mange cru quand il a atteint le seuil du blettissement sinon son astringence est désagréable. Il faut aussi éviter de consommer sa peau lisse à l’extérieure qui devient râpeuse sous la langue. On déguste ses fruits sphériques et charnus de la taille d’une tomate dont la pulpe fibreuse et cloisonnée est remplie de fer et de vitamine C.  Pour cela, on le divise en deux en extrayant la pulpe translucide située entre les cloisons au couteau ou à la petite cuillère. On peut le saupoudrer de sucre pour en diminuer l’astringence. Il se mange surtout très rapidement après la cueillette car il pourrit vite. Il peut sinon être conservé et consommé séché, en confiture ou en compote. Les kakis font les délices des oiseaux qui s’empressent de dépouiller les arbres de ces pommes couleur de corail qui jettent des taches de safran dans la nature hivernale en lui donnant un aspect festif.

fig.6 Deborah Griscom Passmore (1840-1911) Planche botanique du Kaki (orig. Waldo, Alachua County, Florida, United States)  fruit et feuille, aquarelle  © U.S. Department of Agriculture Pomological Watercolor Collection. Rare and Special Collections, National Agricultural Library, Beltsville, MD 20705

Recette de confiture de kakis*

Pour 4 kg de kakis, 2 kg de sucre et 1 litre 1/2 d’eau 

Éplucher les fruits et les égrener, puis les faire macérer dans le sucre 24h. Les mettre dans la bassine et faire cuire 15 minutes en écumant. Sortir les kakis avec l’écumoire et les répartir délicatement dans les pots. Faire réduire le sirop jusqu’à consistance épaisse. Compléter les pots avec ce sirop. Couvrir aussitôt.

©Gabrielle de Lassus Saint-Geniès

(1) « Actualités, curiosités, variétés » in La Vie à la Campagne, n°49, 1er octobre 1908, p.207.

(2) Arbres d’ornement du parc de la Malmaison plantés sous la direction de M. Berthault…, Paris, imprim.de Terzuolos, 1838, p.14.

*issue de l’ouvrage Confitures, Compotes et Fruits au sirop de Marie-Françoise Delarozière et Chantal James, Edisud, 2003, p.47.