Exposé au printemps 2023 dans le cadre de la restauration de l’aile Sarcus par le Centre des monuments nationaux au château de Bussy-Rabutin (Côte d’Or), L’Herbier de Bussy-Rabutin 2022 est un herbier contemporain que j’ai conçu en écho à l’herbier du XIXe siècle attribué au Comte de Sarcus et à sa famille. J’ai voulu rendre hommage à la passion du Comte de Sarcus pour la botanique mais aussi pour son jardin et ses terres. Ce recueil de nouvelles planches botaniques modernes est constitué de 75 spécimens classés au sein de 38 familles botaniques, par ordre alphabétique. Ces derniers ont été récoltés dans le jardin et le parc de Bussy-Rabutin le mardi 14 juin 2022. 2 d’entre eux ont été cueillis par des membres de l’équipe du château (Ingrid Llamas pour l’Allium ursinum p.15 et Philippe Schneider pour le Geranium robertianum p.87).
Ces planches s’inspirent du matériel existant pour montrer un aspect de la personnalité de ce gentleman cultivé rousseauiste et de sa famille qui herborisaient parce que la pratique de l’herbier était un loisir à la mode mais aussi car ils avaient un goût très vif pour les sciences naturelles et la botanique, alors marquée par le développement de la nomenclature binominale de Carl von Linné (1707-1778). Le Comte de Sarcus possédait par exemple La Botanique de Rousseau (ouvrage qui semble avoir été beaucoup utilisé) et La Flore des Environs de Paris dans sa bibliothèque. Grand érudit en lien avec les sociétés savantes locales, Jean-Baptiste de Sarcus s’intéressa de près à l’agronomie autant qu’à l’histoire du Grand Siècle dans un esprit encyclopédique. C’est ainsi qu’il entreprit de valoriser le château et l’œuvre de Roger de Bussy-Rabutin (1618-1693).
L’idée de cet herbier moderne est d’exhausser le patrimoine naturel du château de Bussy-Rabutin comme support pédagogique et culturel de la restauration de l’aile Sarcus mais aussi de saisir l’esprit botanique propre au Genius loci (esprit du lieu). Il se veut observation de la beauté du vivant. Classé selon les familles de plantes, il abrite des fleurs des champs, des herbes médicinales, des variétés horticoles, des orchidées sauvages, des arbres, des arbustes d’ornement. Cette œuvre souhaite garder un témoignage de la biodiversité des lieux en 2022 en faisant état des changements scientifiques de la nomenclature botanique depuis l’époque de la famille Sarcus. Par exemple, la famille des Ombellifères est désormais celle des Apiacées, ou la famille des Crucifères est devenue celle des Brassicacées.
D’autre part, certains spécimens sont désormais classés dans d’autres familles avec l’arrivée de la classification phylogénétique, nouvelle méthode qui s’est substituée à la classification linnéenne au XXe siècle pour définir les spécimens en se fondant sur les principes d’évolution et de parenté génétique. À l’époque du Comte de Sarcus, plusieurs espèces se ressemblent structurellement mais sont éloignées génétiquement : par exemple la Cardère qui était classée dans la famille des Dipsacacées est indiquée actuellement dans la famille des Caprifoliacées. Dans une époque comme la nôtre où tant de menaces pèsent sur l’environnement, une planche est consacrée au buis (Buxus sempervirens) sous la forme de deux rameaux : l’un est dénudé car il a été attaqué par la pyrale du buis (Cydalima perspectalis) et l’autre est sain car il a été traité. Il rappelle les ravages de ce lépidoptère (famille des Crambides) en Europe depuis plusieurs années.
« COLLIGIT UT SPARGAT«
La devise « Colligit ut spargat » qui figure en exergue de l’herbier évoque l’une des citations peintes dans la salle des devises du château. Elle représente les rayons du soleil qui extraient les vapeurs de la terre : « Il amasse pour répandre ». Ainsi la lumière du soleil a fait germer les végétaux rassemblés dans cet ouvrage.