« Le parfum est la forme la plus intense du souvenir. »
Jean-Paul Guerlain
Jeune écolier je découvrais avec passion les poèmes de Musset, Rimbaud, Baudelaire, Mallarmé, Verlaine….Le mouvement Parnassien m’intéressait par dessus tout en ce sens qu’il cultive la beauté, l’Art pour l’Art. Souvent, mes instituteurs me surprenaient à lire des vers durant les heures de cours. Je rangeais alors pour quelques heures mes précieux recueils en attendant le moment propice. Il arrivait parfois que le maître me demande si je n’avais pas un exemplaire des Fleurs du Mal rangé dans mon pupitre.
Au soir de ma vie, je me souviens encore de certains d’entre eux comme ce poème de Baudelaire qui semblait me prédestiner à mon métier de parfumeur :
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
– Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
(Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Correspondances)
L’amour des lettres exerçait sur moi une telle fascination que j’ambitionnais de passer l’agrégation. Des soucis de santé en décidèrent différemment. Après mon premier bachot, j’arrêtais mes études et mon grand-père dit à mon père de m’envoyer vivre chez lui, qu’il m’emmènerait à l’usine pour me distraire. À seize ans et demi, je créai mon premier parfum Vétiver qui allait me tracer un autre destin.
Mais quittai-je réellement la littérature ? Assurément non. Il n’y a pas un de mes parfums qui ne soit né d’une passion pour la beauté des mots et de leurs fragrances. La terre d’où jaillissent les fleurs et les arbustes engendre les bouquets qui transmettent des messages d’amour.
Pour la première fois et avec émotion je pose mon nom sur un recueil de poésie.
Dans son recueil, « Hortus Conclusus, Les Litanies du Jardin », Gabrielle de Lassus Saint-Geniès fait renaître cette poésie du beau, où la nature est célébrée dans toute sa magnificence. Chaque fleur est délicieusement caractérisée. Ayant utilisé la plupart d’entre elles pour concevoir des essences, je suis ébloui par la justesse de ses mots qui révèle également une excellente connaissance des plantes.
La pertinence, la subtilité, l’élégance de ses vers sont à l’image de la poétesse qui cherche à élever nos âmes. Par son ode à notre si belle nature Gabrielle de Lassus Saint-Geniès nous transporte dans un jardin littéraire au parfum exquis, en s’inscrivant dans la grande tradition française de l’art d’écrire.