Les vertus du Chêne (Quercus Robur)

La justice de Saint-Louis au pied du chêne du bois de Vincennes

La justice de Saint-Louis au pied du chêne du bois de Vincennes

Description

Arbre de la famille des Fagacées pouvant jusqu’à 30 m de haut, le chêne se caractérise par sa grande longévité, son tronc droit et puissant, sa cime en dôme et sa bonne résistance aux maladies. Ses célèbres feuilles simples sont alternes et à lobes irréguliers, dont deux petits encadrent le pétiole. Les pétioles varient selon les espèces (très courts ou très longs). Par exemple le chêne dit « sessile » a peu de pédoncule et le chêne dit « pédonculé » possède un grand pédoncule. On distingue les fleurs minuscules en chaton (jaune pendant pour les mâles) qui apparaissent au printemps. Vers 40 ans, le chêne porte ses premiers fruits ovoïdes dans des cupules sur de longs pétioles, les glands. Son tronc peut atteindre jusqu’à 3m de circonférence. L’écorce est très résistante et commence à se fissurer à l’âge de 20 ans.

En usage médical, en Europe, c’est le Quercus robur qui a été généralement utilisé alors qu’en Amérique, plusieurs espèces ont été sélectionnées, les propriétés de tous les chênes étant à peu près les mêmes. On peut donc utiliser notamment le Chêne pédonculé (Quercus robur), le Chêne vert/yeuse (Quercus ilex), le Chêne blanc (Quercus alba) mais aussi le Chêne liège (Quercus suber) ou encore le Chêne rouvre dit « chêne sessile » (Quercus petraea).

Symbolique

Symbole de Jupiter, de force, de noblesse, de longévité, le chêne était présent dans les jardins de Ninive de Sargon II (vers 710 avt JC) aux côtés de plusieurs espèces d’arbres dont le pistachier, le platane, le saule, le figuier, le tamaris et le palmier-dattier. Plus tard, il est l’arbre sacré des druides. Il est ensuite associé au roi Saint Louis qui exerçait la justice sous un chêne, arbre*. Son bois noble, solide et dur est souvent utilisé par les menuisiers et les charpentiers. Les roues des moulins à eau étaient en lattes de chêne car cet arbre « roi de la forêt », était réputé imputrescible. Simon Vouet représente une Vierge à l’Enfant tenant un rameau de feuille de chêne, comme symbole de puissance et de noblesse (tableau acquis par le musée du Louvre en 2004 grâce au mécénat d’entreprise).

Simon Vouet (1590-1649), Vierge au rameau de chêne, dite Vierge Hesselin, vers 1640, musée du Louvre, 97x77cm©musée du Louvre

Simon Vouet (1590-1649), Vierge au rameau de chêne, dite Vierge Hesselin, vers 1640, musée du Louvre, 97x77cm©musée du Louvre

Propriétés médicinales

Feuilles et glands du chêne sont tous très riches en tanins et en astringents, mais c’est principalement l’écorce qui a été utilisée pour ses propriétés anti-inflammatoires, hémostatiques, analgésiques, toniques, antioxydants. Elle est douée de tanins (jusqu’à 20 %) dont l’acide quercitannique assèche les muqueuses malades et coagule les protéines des tissus pour les remplacer par un tissu sain. C’est pourquoi notamment l’écorce de chêne a été employée pour le tannage afin de transformer la peau en cuir par un processus de durcissement et de séchage. D’ailleurs les tanneurs étaient rarement touchés par la tuberculose, sans doute à cause du pouvoir astringent de l’écorce. Les propriétés curatives du chêne se distinguent notamment par le fait qu’il est très bien toléré par la peau. On l’emploie en cas d’engelures, de rhumatismes, de foulures, de douleurs articulaires, de muscles froissés mais aussi en cas d’affections de la gorge, de la bouche. Il était autrefois réputé pour être utilisé pour lutter contre la progression de la gangrène. Le chêne soigne aussi les conjonctivites, les hémorragies, l’état de faiblesse générale. Il traite les hémorroïdes, l’incontinence d’urine, les fistules annales. On le préconise en douches vaginales en cas de pertes blanches.

Les glands du chêne, cueillis en automne, sont comestibles et contiennent beaucoup de tanins, de glucides, de lipides, ce qui en fait un aliment recommandé en cas de diarrhées et gastro-entérite, surtout chez les enfants. Il a longtemps fait partie d’une des bases de l’alimentation humaine, généralement sous la forme de farine, en étant très riche en acide oléique (un actif proche de celui de l’huile d’olive). On les plonge dans l’eau bouillante pour en ôter le goût amer. C’est aussi la nourriture de nombreux animaux (celle du porc notamment. D’où l’expression d’ aller « à la glandée », ou « glander », c’est-à-dire emmener les cochons dans la forêt pour les nourrir de glands). Hildegarde de Bingen prescrit par ailleurs de donner à manger des feuilles de chêne pour soigner les chèvres malades (!). Le vin mûrit dans des tonneaux de chêne pour que son arôme en soit renforcé.

Utilisation et Mise en Garde

Si les feuilles et les glands soignent, on fait essentiellement usage de l’écorce (le célèbre « tan »). Il faut privilégier l’écorce des jeunes rameaux du printemps âgés de 5 à 10 ans, plus riche en tanins qu’un chêne âgé. Après avoir cueilli les branches du chêne, il faut gratter superficiellement le bois et le débarrasser de la mousse, puis racler l’écorce avec une serpette, la mettre à sécher et la hacher.

L’écorce est recommandée en usage externe essentiellement, sous forme de décoction. Elle peut être bue mais elle est parfois susceptible d’entraîner des nausées même si elle n’est pas toxique. Mieux vaut aussi d’éviter de consommer le gland du chêne rouge (quercus rubra) qui est très amer.

Il est conseillé de ne pas employer le chêne avec des plantes renfermant des alcaloïdes comme la chélidoine. Il est préférable d’éviter le contact avec les récipients en fer comme pour toutes les plantes riches en tanins.

USAGE EXTERNE

Décoction pour usage externe

-50 g (quelques cuillerées à soupe) d’écorce de chêne pilée/hachée dans 1 litre d’eau.
-Laisser bouillir durant 15 minutes à feu doux.
-Filtrer et appliquer localement sur la zone affectée.

Gargarisme en cas d’affection de la gorge et de la bouche (gingivite, mal de dent, inflammation des gencives)

Utiliser la décoction en bains de bouches et gargarismes. En cas d’inflammation, se rincer la gorge avec plusieurs fois par jour. Apaise et soulage sensation de picotement, de brûlure. Action antiseptique, cicatrisante et apaisante.

Bain de pieds/mains contre engelures (sèche, désenflamme et cicatrise la peau)

-Faire bouillir 1 L d’eau avec 50g d’écorce pulvérisée pendant 20 min.
-Baigner les pieds/mains pendant 10 min une fois par jour.
(S’applique aussi sous forme de compresses avec un linge en coton/lin).

Bain complet d’écorce de chêne

– Faire bouillir une poignée d’écorce par litre d’eau. Ajouter la décoction dans la baignoire.

Bain d’yeux (en cas de conjonctivite, orgelets)

– Appliquer sur les yeux des cotons imprégnés de décoction.

Compresses pour mauvaise circulation et cicatrisation difficile (eczéma, ulcères, problèmes vasculaires, ulcères variqueux, hémorroïdes)

-Appliquer sur la partie malade une compresse (en lin de préférence mais tout autre tissu fait l’affaire) trempée dans le liquide de la décoction (attendre que la t°C refroidisse à 60°-80° environ).
-Renouveler toutes les 2-3 minutes dès que la compresse refroidit, pendant 30 min.
-Puis garder la compresse et la renouveler toutes les 4 heures.

Tampons nasaux (en cas de saignement de nez ou d’irritation nasale)

En irrigations par pipette, ou en tampons nasaux à l’aide d’un coton. Associer potentille tormentille.

Bain de siège/lavements/douche vaginale (En cas d’irritations vaginales, pertes blanches, hémorroïdes, affections de l’anus et de rectum)

-Faire bains, compresses et lavements avec 50g/d’écorce par litre d’eau.

USAGE INTERNE

Infusion
– 1 cuill.à café d’écorce pulvérisée par tasse. Filtrer et boire 1 à 3 fois par jour.

Décoction de feuilles de chêne
– 1 poignée par litre, faire bouillir 10 min. 3 tasses par jour.

Infusion ou « café » de glands
– 30 g de poudre de glands torréfiés et pulvérisés par litre d’eau (1 tasse après les repas)

* Voir Jean de Joinville (1224-1317), Livre des saintes paroles et des bons faiz nostre roy saint Looys,1309, Chap.12.
 » Li roys n’oublia pas cest enseignement; ainçois gouverna sa terre bien loialment et selonc Dieu, si comme vous orrez ci-après. Il avoit sa besoigne atiriée en tel manière que mes sires de Neelle et li bons cuens de Soissons, et nous autre qui estions entour li, qui avions oïes nos messes, alion oïr les plaiz de la porte, que on appelle maintenant les requestes.
Et quant il revenoit du moustier, il nous envoioit querre, et s’asseoit au pié de son lit, et nous fesoit touz asseoir entour li, et nous demandoit se il en avoit nulz à delivrer que on ne peust delivrer sanz li; et nous les li nommions, et il les faisoit envoier querre, et li leur demandoit: «Pourquoy ne prenez-vous ce que nos gens vous offrent?» Et il disoient: «Sire, que il nous offrent peu.» Et il leur disoit en tel manière: «Vous deveriez bien ce prendre que l’on vous voudroit faire.» Et se traveilloit ainsi li sainz hom, à son povoir, comment il les mettroit en droite voie et en raisonnable.
Maintes fois avint que en esté il se aloit seoir ou bois de Vincennes après sa messe, et se acostoioit à un chesne, et nous fesoit seoir entour li. Et tuit cil qui avoient afaire venoient parler à li, sanz destourbier de huissier ne d’autre. Et lors il leur demandoit de sa bouche: «A-il ci nullui qui ait partie?» Et cil se levoient qui partie avoient. Et lors il disoit: «Taisiés-vous tuit, et on vous deliverra l’in après l’autre.» Et lors il apeloit mon signour Perron de Fonteines et mon signour Geffroy de Villete, et disoit à l’un d’eus: «Delivrez-moi ceste partie.»
Et quant il veoit aucune chose à amender en la parole de ceus qui parloient pour li, ou en la parole de ceus qui parloient pour autrui, il-meismes l’amendoit de sa bouche. Je le vi aucune foiz, en esté, que pour delivrer sa gent il venoit ou jardin de Paris, une cote de chamelot vestue, un seurcot de tyreteine sanz manches, un mantel de cendal noir entour son col, mout bien pigniez et sans coife, et un chapel de paon blanc sus li; et touz li peuples qui avoit afaire par devant li, estoit entour li en estant. Et lors les faisoit delivrer, en la manière que je vous ai dit devant dou bois de Vincennes. »
(http://users.skynet.be/antoine.mechelynck/chroniq/joinv/JV012.htm)

Gabrielle de Lassus Saint-Geniès