Un air majeur de Mozart par l’indomptable Teodor Currentzis

Teodor Currentzis à Moscou en 2017…face à Mozart ! (Source photo Wikipedia)

Il est urgent de se plonger dans la beauté ! Voici ici une interprétation magistrale du célèbre air Soave sia il vento (« Suave soit le vent ») pour trois voix, extrait de l’opéra Cosi fan Tutte (« Ainsi font-elles toutes ») de Mozart créé en 1790 sur un livret de Lorenzo da Ponte. Le jeu splendide de l’indomptable chef d’orchestre Teodor Currentzis donne à ce morceau tiré du premier acte une quiétude pleine de sensibilité avec un accompagnement inédit d’une finesse absolue.

En effet, nous sommes au moment où les soeurs Fiordiligi et Dorabella chantent à l’unisson un trio suave avec le vieux philosophe Don Alfonso, pour souhaiter un heureux voyage à leurs deux fiancés Ferrando et Gugliemo. Les voix de soprano de Simone Kermes (Fiordiligi), de mezzo-soprano de Malena Ernman (Dorabella) et de basse de Konstantin Wolff (Don Alfonso) s’accordent à la perfection. Nous voilà donc partagés entre l’amour sincère et mélancolique des deux femmes qui voient s’éloigner leurs amants, le faux adieu de Don Alfonso qui tire les ficelles de l’intrigue et la séparation de façade qui s’annonce. Le spectateur entre pleinement dans la comédie. Il sait que ce voyage est feint car le cynique Don Alfonso, qui ne croit pas en la fidélité des femmes, a proposé aux deux officiers de les mettre à l’épreuve : ils feront semblant de partir au combat mais reviendront déguisés pour les séduire et qui vivra verra !

Soave sia il vento
Tranquilla sia l’onda
Ed ogni elemento
Benigno risponda
Ai nostri desir

Suave soit le vent,
Tranquille soit l’onde,
Puissent tous les éléments
Favorablement répondre
À nos désirs.

(Note : si la vidéo n’est pas disponible sur cette page suivez ce lien vers Utube)

Toute la force de Currentzis est de faire entendre ici la naïveté de l’aurore des sentiments. L’amour crédule n’a pas encore été mis à l’épreuve, l’innocence ne sait pas qu’elle est déjà menacée. Quant à la fidélité idéale, elle est contrebalancée avec réalisme par la voix grave de l’homme d’expérience qui sait combien le coeur humain est volage.

Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Le Souvenir, 1775-78, huile sur bois ©Londres,Wallace Collection

Mais comme est belle cette minute où tout semble encore concorder ! La mer est encore calme et sans vagues sinon celles des violons en Andante. Fiordiligi et Dorabella sont encore certaines de leur amour, Ferrando et Gugliemo ne doutent pas de leurs fiancées et même Don Alfonso semble se souhaiter à lui-même de se tromper ! Le génie de Mozart, tissé d’humour et de mélancolie, est ici merveilleusement dépeint par le farouche licier musical Currentzis dont l’audace sauve notre siècle de beaucoup de médiocres maestros.

©GLSG, le 26 juillet 2021

NB :

Si vous souhaitez découvrir d’autres morceaux sublimes de Currentzis, en voici une liste :

Sinon, allez directement sur la page UTube de MusicAeterna, orchestre fondé par Teodor Currentzis en 2004. Vous y trouverez des merveilles !