EXPOSITION : Présumées coupables

Renée Falconetti dans La Passion de Jeanne d’Arc, film de Carl Theodor Dreyer, 1928

Il ne faut pas rater l’exposition Présumées coupables aux Archives nationales de Paris où sont présentés 320 procès verbaux d’interrogatoires de femmes, sélectionnés dans une masse d’archives judiciaires du Moyen-Age à nos jours, du procès de Jeanne d’Arc aux « tondues » du 20e siècle en passant par les sorcières et les empoisonneuses. On remercie les Archives nationales d’avoir remis « en lumière » ces sombres détresses souvent ignorées sinon oubliées dans la poussière des siècles. Ici, les papiers de justice (ou d’injustice) semblent encore tressaillir en sanglots d’écriture sous le poids écrasant des reliures juridiques et des consciences torturées. 

Réflexion :

Non, rien n’a changé. Notre époque aime comme autrefois s’accouder à la barre des curieux comme les foules insultaient les femmes fautives. Si les méthodes sont autres, le fond reste le même. Que les féministes se réjouissent car aujourd’hui on jette l’opprobre sur les hommes autant que sur les femmes sur les murs de lapidation virtuels des réseaux sociaux où tout un chacun inscrit des pierres d’amertumes et d’injures ; on continue de chasser les sorcières politiques pour trouver des boucs émissaires au mal-être social ; on brûle les réputations comme on brûlait les relapses ; on poursuite les procès d’intention  sous le coup de l’émotion en bafouant allègrement la présomption d’innocence puisqu’aujourd’hui  il suffit de (re)tweeter pour mettre n’importe qui en examen ; on calomnie pour faire grimper ou descendre les sondages ; on propage sur Facebook des rumeurs pour influencer les opinions ; on manie les gros titres comme on dresse des piloris ; on tond la confiance des citoyens ; les médias montent autant de cabales que de tribunaux auxquels la terre entière participe en s’érigeant en juge suprême en deux clics, et ce, sans distinction de sexe, de couleur, de nationalité ni d’âge.

Gardons-nous de croire nos civilisations post-modernes plus sages que celles d’antan : beaucoup d’empoisonneurs s’ignorent qui ne tuent pas le corps mais l’esprit ! Ne nous hâtons donc pas de perdre la mémoire: les 380 procès-verbaux de l’exposition Présumées coupables nous le rappellent avec force. Quel mérite d’avoir choisi la thématique-purgatoire de ces procès féminins pour montrer que celles par qui le scandale arrive sont parfois moins perverses que leurs juges et moins cruelles que leurs bourreaux ! 

©Gabrielle de Lassus Saint-Geniès