L’Alchemille, plante alchimique

Alchemille (Alchemilla Mollis)

L’Alchemille (Alchemilla Mollis) est une plante de la famille des Rosacées

Illustre plante de la famille des rosacées qui fascina les alchimistes d’antan, Carl von Linné s’en souvint lorsqu’il fallut la baptiser du nom d’Alchemille  (de l’arabe Alkimia). Vivace indispensable comme couvre sol de jardins champêtres, sa couleur hésite entre le vert amande et le vert absinthe, chartreuse plus exactement. Elle déploie son feuillage à neuf lobes plissés en éventails d’une délicatesse admirable. Le feuilles sont couvertes d’un duvet soyeux que l’eau ne peut mouiller, si bien que la rosée et la sudation de la plante y roulent en perles transparentes d’une beauté fascinante. Les feuillages sont certainement plus intéressants que les fleurs qui s’épanouissent en glomérules vert-jaune au sommet des tiges grêles, de mai à juillet voire septembre. Mais rien ne vaut l’exquise description de l’alchemille par le botaniste Henri Jean Antoine Rodet (1810-1875) :  » Feuilles réniformes, palmatilobées, régulièrement dentées, plissées de la base à la circonférence, glabres et d’un vert gai en dessus, glaucescentes en dessous, où elles se montrent glabres ou pubescentes : les radicales longuement pétiolées ; les caulinaires beaucoup plus petites, brièvement pétiolées ou sessiles. (…) » (1)

De tempérament rustique, l’alchemille se distingue par la facilité de son entretien. Elle n’a pas besoin de beaucoup de soleil et se contente d’une terre normale. Cette sanguisorbée se ressème naturellement ou se divise à l’automne pour être transplantée. Dès qu’elle commence à se faner, on peut la couper pour qu’elle fleurisse une seconde fois avec un nouveau feuillage frais. Tout en aimant la compagnie d’autres espèces, elle tient à son indépendance et n’aime pas la concurrence des racines car elle a besoin de s’étaler. Plante orophile (taxon vivant en haute altitude), elle est présente dans les pâturages alpestres en favorisant la diversité du fourrage. Grâce à l’alchemille les vaches produiraient plus de lait…

Les espèces les plus connues sont l’Alchemille commune (A. vulgaris), l’A. Alpine (A. Alpina), l’A. des champs (A. Arvensis), l’A. mollis, l’A. ellebeckii mais il en existe une variété infinie. Il suffit de jeter un oeil sur le lexique de la Flore de France (Flora Gallica) de Jean-Marc Tison et Bruno de Foucault pour réaliser la diversité de cette famille (2).

Achemilla, in Traité des Plantes de la Lorraine / par P. J. Buchoz (1731-1807)

Alchemilla minor, in Traité des Plantes de la Lorraine / par P. J. Buchoz (1731-1807)

On la retrouve dans les jardins médiévaux et dans la tapisserie de la Dame à la Licorne (Musée de Cluny, Paris, vers 1500). Toutes les époques l’ont revêtue de surnoms charmants: manteau de Notre-Dame (Our Lady’s mantle en Angleterre), herbe de l’étoile, mantelet-de-dame (Frauenmantel en Allemagne), pied-de-lion, ou patte-de-lapin. On lui prête de nombreuses vertus. Les fameuses gouttes de sève qui perlent sur les feuilles étaient considérées comme une eau précieuse pour le grand-oeuvre des alchimistes. C’est une plante au service de la santé et de la beauté des femmes (« la meilleure amie de la femme » selon les Anglais). Les femmes buvaient, dit-on, la rosée des alchemilles pour retrouver vertu perdue et contre les méfaits de l’âge selon la célèbre formule: « Pour réparer des ans l’irréparable outrage ». Elle aide à rétablir les fonctions féminines après l’accouchement et à lutter contre le dérèglement de la ménopause. Citons parmi ses autres propriétés vulnéraires ses pouvoirs astringent, hémostatique, cicatrisant, tonique, sédatif, anti-inflammatoire et stomachique. On l’emploie aussi contre les affections gastriques et intestinales.

J-B Barla (1817-1896), Alchemilla vulgaris et Alchemilla alpina, 1840, Muséum d'Histoire naturelle de Nice, dessiné d'après le spécimen collecté le 6 juillet 1840, Forêt de la Maïris (Lantosque, France)

J-B Barla (1817-1896), Alchemilla vulgaris et Alchemilla alpina, 1840, Muséum d’Histoire naturelle de Nice, dessiné d’après le spécimen collecté le 6 juillet 1840, Forêt de la Maïris (Lantosque, France)

Recettes à l’alchemille

Voici, quelques recettes, qui à défaut de transformer le plomb en or, aideront les « alchemillophiles » à conserver santé et beauté…

Infusion d’alchemille

Jeter 45g de feuilles sèches pour 1/2 l. d’eau bouillante. Laisser infuser pendant 10 min. Sucrer avec du miel. Prendre 2 à 3 tasses par jour. Cette infusion est préconisée en cas de désordre du cycle menstruel ou de troubles digestifs/diarrhée.

Compresse contre le vieillissement de la peau et cellulite

Faire une infusion de 50g de feuilles séchées d’alchemille dans ½ l d’eau. Laisser infuser 10 min. Appliquer en compresse 3 fois par jour. notamment sur les vergetures.

Cataplasme pour cicatriser les blessures

Prendre une dizaine de feuilles fraîches, les chauffer rapidement au fer à repasser en les enveloppant dans un linge, puis les appliquer sur les lésions. A renouveler.

Masque hydratant  pour le visage à l’alchemille

Cueillir une poignée de feuilles d’alchemilles avant que la rosée ne soit dissipée en sélectionnant les feuilles du centre qui sont plus tendres. Les réduire en fines lanières et les mettre dans un bol.  Verser de l’eau bouillante pour les recouvrir. Couvrir et laisser infuser au moins 30 min. Passer ensuite dans une passoire en exprimant fortement le jus.

Dans un second bol mettre 3 cuill. à café de germes de blé en paillettes, verser à hauteur de l’infusion concentrée d’alchemille, ajouter 2 cuill à café de miel liquide, 3 gouttes d’huile essentielle de rose. Mélanger bien. Ajouter de l’argile blanche surfine. Mélanger. Etaler sur le visage, le cou, le décolleté. Laisser agir 20 à 30 min puis rincer à l’eau tiède. Ce masque affine et hydrate la peau.

Bref, une plante souveraine !

Gabrielle de Lassus Saint-Geniès, 30 avril 2015

An English Garden par Percy Robert Craft, York Museums Trust

Percy Robert Craft, Un jardin anglais
©York Museums Trust

(1) H.-J.-A. Rodet, Botanique agricole et médicale, ou Etude des plantes qui intéressent principalement les médecins, les vétérinaires, et les agriculteurs : accompagnée de 160 planches représentant plus de 900 figures intercalées dans le texte (2e édition) deuxième édition, revue et considérablement augmentée avec la collaboration de C. Baillet,…P. Asselin (Paris) 1872. Contributeur : Baillet, Casimir Célestin (1820-1900). Éditeur scientifique, 1 vol. (XX-1078 p.) : ill. ; in-8, p;276-277.

Source : Bibliothèque nationale de France. http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb312324618

(2) J-M Tison, Bruno de Foucault, Flora Gallica, Flore de France, Société botanique de France, 2014, pp.966-976.