EXPOSITION : « Mille & une orchidées » dans les Grandes Serres du Jardin des Plantes (13 février au 10 mars 2014)

 

Orchidée Odontoglossum Margaret Holm « Larkspur »

EXPOSITION : « Mille & une orchidées » dans les Grandes Serres du Jardin des Plantes (13 février au 10 mars 2014)

Un voyage autour du monde

Ce qui est beau est souvent éphémère ! S’il ne fallait voir qu’une seule exposition à Paris en ce moment ce serait celle qui n’a lieu que pendant un mois au Jardin des Plantes : « Mille & une orchidées ». Du 13 février au 10 mars 2014, les Grandes Serres abritent des orchidées venues des cinq continents, en leur offrant un palais de verre et de verdure digne de ces fleurs raffinées. On trouve des spécimens magnifiques choisis avec soin dans la famille des Orchidacaea qui compte plus de 30 000 espèces différentes… et les botanistes en découvrent encore !

Orchidée Dendrobium nobile

Les orchidées vivent dans le monde entier sauf dans les déserts : Asie, Amérique, Afrique, Océanie et Europe. Les espèces tropicales demeurent les plus fascinantes et spectaculaires depuis que les voyageurs, amateurs et collectionneurs en ont fait la connaissance au XVIe siècle. Beaucoup sont aujourd’hui des phénomènes rares protégés par des strictes réglementations dont la Convention de Washington (CITES). Les orchidées présentées sont principalement issues des collections du Museum National d’Histoire Naturelle et des Serres d’Auteuil. Se sont adjoints quatre producteurs réputés qui ont investi l’espace central en créant des mises en scène étonnantes : Ryanne Orchidée, AM Orchidée, Vacherot et Lecoufle, La Cour des Orchidées. Deux stands d’associations françaises d’orchidophilie jalonnent le chemin (AFCPO, SFO).

Orchidée Coelogyne cristata

Dès que l’on entre, la moiteur du lieu surprend, ainsi que les doux éclairages, les bruits d’oiseaux et d’animaux de l’installation sonore Cantus animalis, fruit d’un partenariat réussi entre Rodolphe Alexis, Euphonia et Lumière et Son Paris. On s’interroge ensuite : comment faire tenir des plantes rares et fragiles dans les Serres en recréant le biotope des branches maîtresses des arbres des forêt tropicales ? On lève les yeux, pour observer un plafond végétal, variante du mur végétal de Patrick Blanc, présentant des lames parallèles recouvertes d’une nappe d’irrigation. Les tiges et les feuilles des espèces épiphytes pendent librement tandis que les racines peuvent se développer sur le support humide, afin de reconstituer le milieu tropical où les plantes se nourrissent d’eau de pluie qui s’enrichit en sels minéraux lors de son passage dans la canopée. Certaines orchidées sont présentées dans des pots suspendus, accrochées dans des arbres, à même la terre et dans diverses mises en scènes qui enchantent l’œil, tout au long du parcours.

Orchidée Phaius wallichii

Une fleur complexe, séduisante et séductrice

La grande fratrie des orchidées compte une variété de spécimens qui ont en commun l’exotisme, la bizarrerie, la variété, la préciosité et le raffinement. Herbacées pérennes ce sont des plantes monocotylédones se distinguant par divers types de styles de vie et d’épanouissement :
-Les orchidées à croissance « ramifiée » (avec des tiges renflées, les pseudobulbes, faisant office de réservoirs d’eau)
– Les orchidées à croissance « continue »

– Les orchidées épiphytes (poussant sur les arbres)
– Les orchidées lithophytes (poussant sur les rochers)
– Les orchidées poussant sur le sol (avec des tubercules souterrains)
– Les orchidées saprophytes (sans photosynthèse, et donc sans chlorophylle. Des sortes d’orchidées-albinos pourrait-on dire)

Orchidée Paphiopedilum « Bergerac »

Comme on le sait, les orchidées dépendent d’insectes pour être pollinisées. Depuis Darwin on parle même du fameux phénomène de « coévolution entrelacée » pour nommer l’étroite dépendance de l’insecte attiré par la morphologie attirante de la fleur. Par exemple l’insecte mâle confond le labelle de l’Ophrys avec sa femelle, et s’y accouple avec bonheur en la pollinisant.

Parmi les orchidées les plus réputées, citons notamment la Grammatophyllum speciosum (Orchidée « Canne à Sucre », ou Tiger Orchid, l’orchidée-tigre à cause de ses pétales jaunes avec des taches brunes), la plus grande orchidée du monde. Plante géante des Philippines, elle peut porter jusqu’à 400 fleurs, en s’accrochant à un arbre pour éviter la concurrence des autres plantes, avec une prédilection pour le Rain tree. Elle est présente à la grande Exposition du Crystal Palace à Londres en 1851 sous la forme d’une plante pesant 2 tonnes ! On ne la trouve malheureusement pas dans l’exposition du Jardin des Plantes mais elle y est naturellement évoquée. Sont citées la plus petite orchidée (Bulbiphyllum minutissimum, 3-4 mm), la plus grosse fleur d’orchidée (Sobralia macrantha, Amérique centrale, jusqu’à 30 cm envergure), la plus longue fleur d’orchidée (Paphiopedilum sanderianum de Sarawak en Malaisie, avec des pétales fins de près d’1 mètre). Les plus longues lianes appartiennent aux Vanilles (Vanilla) qui peuvent mesurer plus de 20m de long.

Orchidée Oncidium Sharry Baby « Sweet fragrance »

Asie

On suit le déambulatoire dépaysant de la « cathédrale verte » des Serres où l’air des forêts tropicales résonne au milieu des fougères et des parfums doux et âcres. Ici s’accomplit un rite exaltant : celui de l’art de mettre en scène les fleurs les plus sophistiquées dans un cadre exotique en plein Paris. Sous les palmiers, caféiers, figuiers, cacaoyers, bananiers, les touffes d’orchidées sont disposées naturellement, suspendues ou accrochées en répandant leurs coloris précieux comme des jupes de bal torrides. Alternent le rose, le blanc, les fuchsias, les bleus, les orangés et le cortège des labelles qui inspiraient tant Marcel Proust.

Phalaenopsis Little Zebra

Orchidée Phalaenopsis « Little Zebra »

On compte quatre principales variétés horticoles d’orchidées en Asie : Phalaenopsis, Vanda, Cymbidium et Paphiopedilum. C’est une fleur mythique de l’Extrême-Orient, symbole national de Singapour et de la Malaisie. Chacune est représentée ici. Un Dendrobium nobile au blanc éclatant fait de la balançoire dans une montgolfière, là les grandes hampes florales des Cymbidium jouent les gracieuses. Les superbes fleurs de l’espèce Coelogyne cristata tendent leurs formes blanches enrubannées de jaunes comme une source voluptueuse. Le Phaius wallichii s’incline avec une majesté sophistiquée. Il y a effectivement des ressemblances troublantes avec les insectes qui rendent l’être humain aussi dupe de la nature que les malheureuses bestioles qui s’entêtent à féconder des pétales de fleurs ! Le Paphiopedilum « Bergerac » offre son cœur jaune à qui voudra l’effleurer.

Orchidée Brassada « Orange Delight »

L’Oncidium Sweet Sugar suscite l’image d’un nuage ailé de fleurs finement découpées d’un jaune presque moutarde, non loin de l’Oncidium Sherry Baby « Sweet fragrance » au parfum envoûtant et délicieux. L’Odontoglossum Margaret Holm « Larkspur » déploie une robe soutachée de points de velours. Le Brassada « Orange Delight » et le Brassada « Big Spider » ressemblent à des chenilles étranges avec leurs labelles qui se prolongent en longs éperons nectarifères comme des dragons chinois tintinnabulant. On comprend que le langage des fleurs du XIXe siècle ait naturellement associé l’orchidée aux thèmes du désir, à l’ambition, à la sensualité, à la beauté et à la ferveur. Rien n’est aussi plus explicite que de contempler les gouttes colorées d’une orchidée pour comprendre qu’elle symbolise dans la mystique chrétienne les éclaboussures du sang du Christ sur la croix.

Orchidée Brassada « Big Spider »

Amérique

Avec l’Asie, l’Amérique est le continent le plus riche en orchidées, depuis la Patagonie jusqu’aux Andes, des confins de la Guyane aux chaleurs du Brésil. On apprend que la Flor de Majo ou Fleur de Mai, l’emblème national de la Colombie est aussi une orchidée blanche, le Cattleya Trianae. On trouve les Oncidium, les Epidendrum. Les croisements horticoles d’orchidées américaines sont à l’origine de nombreux hybrides spectaculaires devenus extrêmement populaires (ex : le Brassocattleya est né d’un Brassia et d’un Cattleya). L’Anthurium pedatum flirte avec les palmes. La vanille (Vanilla Pompona) s’étend le long d’un arbre en lianes amoureuses.

Orchidée Anthurium pedatum

Les orchidées d’Amérique permettent d’évoquer l’expédition de Bonpland et Humboldt en 1799. Les deux naturalistes, qui firent don de leur herbier au Museum de Paris, ramenèrent en Europe cinq ans après des multitudes d’espèces parmi lesquelles de nombreuses orchidées qui enchantèrent l’Europe.

Orchidée Vanilla Pompona

La vue qui vient ensuite surprend et émerveille. Au-dessus du bassin ont été suspendues en haut de la verrière par des fils quasi-invisibles, plusieurs sphères de mousses piquées d’orchidées aux tons pastels. On monte au premier balcon pour assister à cet opéra délicat et à ce ballet de planètes, véritable système floral et luxuriant. Ici les parfums et les sons se répondent. On monte encore plus haut, attiré par le vertige de la serre, pour atteindre la canopée et voir surgir au milieu de l’eau un roi bleu fabuleux : le Vanda Nitaya Royal Blue.

Sphères d’orchidées dans les Serres du Jardin des Plantes de Paris 

Afrique

La descente nous ramène en Afrique, de l’autre côté de l’eau. Il y a moins d’orchidées sur ce continent mais de très belles fleurs souvent de couleur blanche qui s’épanouissent dans la sylve (Chamaeangis, Bulbophyllum, Anselia). Les Angraécoïdes parfmées se plaisent sur les îles (Comores, Seychelles, Madgascar). La pollinisation de ces fleurs est due à un papillon de nuit, selon chaque espèce, en témoignant de la prodigieuse complexité de la nature. On apprend que quelques orchidées africaines aiment la sécheresse (xérophytes). L’étoile de Madagascar (Angraecum sesquipedale) a servi à Darwin pour ses études sur la pollinisation par les papillons.

Le système des planètes-orchidées dans les Serres du Jardin des Plantes de Paris

Au centre, de la Serre un pont traverse l’eau, occupé par des espèces choisies par Vacherot & Lecoufle. Un coffre déborde d’orchidées comme un trésor végétal, à côté d’une touffe rouge d’ Epidendrum « Fireball », d’un Phalaenopsis « Marianne » couleur chair et des splendides et curieux Phalaenopis « Little Zebra » striés de rayures violettes.

Coffre à merveilles florales

Océanie

Australie, Nouvelle Guinée, Nouvelle Calédonie abritent aussi des orchidées, souvent fragilisées par le déforestation et la pollution. Les dendrobiums, espèces épiphytes poussant sur les arbres, y sont nombreux. La variété des climats de ce continent permet le développement d’une multitude de fleurs qui élisent leur domicile dans les lieux tempérés, subtropical, alpin ou aride, selon leurs préférences.

Orchidée Epidendrum « Fireball »

Europe

Au bout de la verrière, un voile épais permet de faire la transition territoriale et climatique avec l’Europe. La température est plus fraîche ! Il n’y a pas d’orchidées réelles mais une succession de bannières de présentation en face des agaves et des cactus, expliquant les distinctions à faire entre les orchidées de campagne, de pelouse, de montagnes ou de forêts. On retrouve évidemment l’Ophrys et le Sabot de Vénus/Sabot de la Vierge (Cypripedium acaule), deux espèces d’orchidées sauvages protégées. L’Orchis mâle (Orchis Mascula) fait partie depuis longtemps de la flore occidentale. Surnommé la « racine d’Adam et Ève », il était aussi utilisé comme aphrodisiaque chez les Romains sous le nom de « satyrion mâle » à cause de sa racine ressemblant aux parties génitales masculines. Comestible, son tubercule contient des actifs aux propriétés émollientes. La poudre de racine d’orchis (farine tirée des tubercules) fait partie du shalep/salep, boisson orientale d’origine turque faite de lait, de cannelle qui fortifie et fait office de calmant. Il sert aussi de remède contre la toux et le rhume. Mais, bon à savoir, sa fleur à l’odeur désagréable d’urine de chat ou de chat mouillé !

Orchidée Phalaenopsis « Marianne »

Avant d’aller rejoindre une autre serre et non des moindres, celle de la Grande Mosquée de Paris et de ses moineaux indisciplinés, il ne reste plus qu’à relire et à songer au recueil de Maeterlinck, Serres Chaudes (1889), en buvant un thé à la menthe avec un bouquet d’orchidées :

« Ô cloches de verre !
Étranges plantes à jamais à l’abri !
Tandis que le vent agite mes sens au dehors
Toute une vallée de l’âme à jamais immobile !
Et la tiédeur enclose vers midi !

Et les images entrevues à fleur du verre ! (…) « 

©Gabrielle de Lassus Saint-Geniès, le 18 février 2014

James Tissot, Dans la serre (In the greenhouse), vers 1869, collection particulière

James Tissot (1836-1902) Dans la serre (In the greenhouse), vers 1869, collection particulière

Infos pratiques

Dans les grandes serres du Jardin des Plantes (Paris)
57 rue Cuvier
– Métro Gare d’Austerlitz, Censier ou Jussieu
Tous les jours de 10h à 17h (sauf mardi)
Tarif : 6€, réduit 4€
Fermeture des caisses à 16h45
Gratuit : conseils de l’AFCPO et de la SFO
Vente d’orchidées, d’ouvrages, brochures et revues

Exposants

– Ryanne Orchidée (http://ryanne-orchidee.com/shop/)
– AM Orchidée (http://www.am-orchidees.fr)
– Vacherot et Lecoufle (http://www.lorchidee.fr)
– La cour des Orchidées (http://www.lacourdesorchidees.fr)
– Rodolphe Alexis (http://www.rodolphe-alexis.info)
– Euphonia (http://www.euphonia.fr)
– Lumière et Son Paris (http://www.lumiereetson-paris.fr)