EXPOSITION : Un génie en jupon, les fastes d’Elisabeth Vigée Lebrun

« Je tâchais autant qu’il m’était possible de donner aux femmes que je peignais l’attitude et l’expression de leur physionomie ; celles qui n’avaient pas de physionomie (on en voit), je les peignais rêveuses et nonchalamment appuyées. Enfin il faut croire qu’elles étaient contentes ; car je ne pouvais suffire aux demandes ; on avait de la peine à se faire passer sur ma liste ; en un mot j’étais à la mode ; il semblait que tout se réunît pour m’y mettre. »

(E. Vigée Lebrun, Souvenirs, t.1, lettre IV)

La marquise de Grollier (détail) 1788, huile sur panneau, 92x72 cm, collection particulière
fig1. E. Vigée Lebrun,  La marquise de Grollier (détail) 1788, huile sur panneau, 92×72 cm ©collection particulière

« Mais où sont les neiges d’antan? » A voir la succession des magnifiques portraits d’Elisabeth Vigée Lebrun (1755-1842) qui défilent sous les cieux du Grand Palais, une nostalgie pleine d’émotion emplit l’âme et le refrain de Villon nous revient à l’esprit. Les voilà, les neiges du XVIIIe siècle, siècle si superficiel et si tragique ! S’il n’y avait qu’une exposition à voir à Paris cette année, ce serait bien celle-là. On ne peut que féliciter Joseph Baillio et Xavier Salmon pour leur commissariat, ainsi que les équipes ayant oeuvré pour cette rétrospective si attendue. 

L’ensemble se déroule comme un long ruban aux reflets précieux, enrichi de nuances inconnues et exaltantes. On mesure le génie de cette femme peintre à travers le nombre prodigieux d’oeuvres qui se succèdent, ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait autres. Il y a des visages, beaucoup de visages qui se déclinent en portraits en pied, portraits à mi-corps, portraits en buste, pastels, huile, dessins ou croquis. A cela s’ajoute la série d’autoportraits, exercice d’atelier, habitus de la perpétuelle introspection de l’artiste. Elisabeth Vigée Lebrun est fille de peintre, rappelons-le.

Une femme de personnalité

Elisabeth Vigée Lebrun, Autoportrait dit "aux rubans cerise", vers 1782, huile sur toile, 64.8x54cm, ©Forth Worth, Kimbell Art Museum
fig 2. E. Vigée Lebrun, Autoportrait dit « aux rubans cerise », vers 1782, huile sur toile, 64.8x54cm ©Forth Worth, Kimbell Art Museum

Quand on contemple l’Autoportrait dit « aux rubans cerise » (fig.2), on discerne dans le regard franc et spirituel d’Elisabeth Vigée Lebrun une femme à l’intelligence pleine de vivacité, à la fois tendre et joyeuse. Le buste en terre-cuite d’Augustin Pajou (1783, Musée du Louvre) incline la tête avec grâce et expression en transmettant le même souffle inspiré. Le pastel de L’artiste en costume de voyage (1789-1790, New York, collection particulière), plus mûr, est teinté d’inquiétude : on songe à la fuite en exil de 1789. En 1800, L’autoportrait de Saint-Pétersbourg (fig.3) affirme la dignité du génie féminin : le pinceau ou la mine tenus par l’artiste prolongent dans leur geste le « penser ». La technique épouse l’inspiration au service de la création. Chose curieuse, sur la plupart des autoportraits Elisabeth Vigée Lebrun on remarque que sa bouche est toujours légèrement ouverte : on voit ses dents ! Son sourire, comme interrompu et saisi sur le vif, retient le spectateur pour un dialogue intérieur. Il semble qu’elle murmure : « Vois, j’ai traversé les siècles grâce à mon art, et aujourd’hui je te parle ! »

L’art des matières

EVL, Portrait par elle-même, 1800, huile sur toile, 78.5x68cm ©Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage
fig 3. E.Vigée Lebrun, Portrait par elle-même, 1800, huile sur toile, 78.5x68cm ©Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage

Elisabeth Vigée Lebrun excelle dans l’art des matières, comme en témoigne la dentelle de la femme au mantelet bleu dite au « coqueluchon » (collection particulière) : la vieillesse en devient belle. De même, dans le pastel de Madame Jeanne Maissin, mère de l’artiste (vers 1774-78, collection particulière) on voudrait toucher la pelisse blanche mousseuse au noeud bleu pour en vérifier la douceur. Ici, le fond sombre ne fait que ressortir davantage la blancheur des textures. Le portrait ovale de Mme Lesould (1780, Orléans, musée des Beaux-Arts) fait jouer les teintes des fleurs jaunes avec le ton des noeuds bleus finement découpés, l’arachnéen « voile de pudeur » de dentelle avec les lèvres au rose corail idéal.

Au royaume du bleu 

On baigne dans le bleu. Les bleus, toujours les bleus….bleu pervenche, bleu lilas, bleu mauve, bleu ciel, bleu dragée, bleu myosotis, bleu pastel, bleu gris, bleu doux…Le Portrait présumé d’Alexandre Jean Joseph Le Riche de la Pouplinière peint par Louis Vigée (1747, pastel, collection particulière) dégrade les bleus avec brio, en montrant qu’Elisabeth était à bonne école pour affronter l’art subtil du camaïeu : bleu du velours du rideau, bleu de la veste, bleu du décor à l’arrière-plan, bleu du dessus de la table. Même les pétales et les feuilles de la rose que cet homme effeuille (avec un geste o combien féminin !) sont bleus.

3. Elisabeth Vigée Lebrun, La Paix ramenant l'Abondance, détail, 1780, huile sur toile, 102.5x132.5cm, © Musée du Louvre, Paris
fig 4. E.Vigée Lebrun, La Paix ramenant l’Abondance, détail, 1780, huile sur toile, 102.5×132.5cm © Musée du Louvre, Paris

Une femme à l’Académie 

En 1774, Elisabeth Vigée Lebrun est membre de l’Académie de Saint-Luc, corporation des maîtres peintres et sculpteurs. En 1783, elle est reçue à l’Académie royale de peinture et de sculpture en présentant la scène allégorique de La Paix ramenant l’Abondance (fig.4) qui obtient un accueil favorable. La nature-morte du premier plan se distingue par la virtuosité du traitement de la végétation aussi variée que symbolique : liseron, raisin brillant, pêche, grenade…La figure de l’Abondance apparaît, radieuse, couronnée d’épis de blé, de coquelicots, de bleuets et de roses.

Elisabeth Vigée Lebrun se mesure aussi aux scènes mythologiques et aux allégories. Les sous-couches des études, croquis et dessins d’expression permettent de comprendre sa technique rapide et nerveuse (brushstroke comme disent les Anglais). L’Allégorie de la poésie (1774, cp) est plus gauche, moins convaincante avec son dos nu à la torsion forcée.  Elle s’essaie aussi à la scène de genre comme dans Le Concert espagnol (1777, collection particulière), déjà empreint d’anecdotisme romantique et de style troubadour avant l’heure en raison de sa préciosité délicate et de son thème inspiré par ses fiançailles  avec Lebrun. Tout y est : la belle énamourée, le jeune guitariste amoureux, le tapis à motif, la clochette, le chien, la servante intrigante. On voit quelques figures d’expression, une Bacchante (1785) à la tresse dénouée, au sein offert, souriant de toutes ses dents en relevant ses joues roses.

Mais Elisabeth Vigée Lebrun est définitivement une portraitiste, à une époque où la hiérarchie des peintres est encore fortement codifiée selon les principes de Félibien. On croise marquises, duchesses, enfants, princes, acteurs, ambassadeur du sultan de Mysore, reines, princesses. Tout un monde oublié se réveille dans l’éclat soudain rajeuni du temps.

Une femme d’ateliers

Jean-Baptiste Greuze, Jeune femme couronnant de fleurs un petit épagneul noir, dite "Madame de Porcin" vers 1770, huile sur toile de forme ovale, 72x57cm, © Musée des Beaux-Arts d'Angers
fig 5. Jean-Baptiste Greuze, Jeune femme couronnant de fleurs un petit épagneul noir, dite « Madame de Porcin » vers 1770, huile sur toile de forme ovale, 72x57cm © Musée des Beaux-Arts d’Angers

On suit donc la carrière d’Elisabeth Vigée Lebrun d’ateliers en ateliers, depuis celui de son père jusqu’au sien propre, en passant par l’Académie Saint Luc et par les peintres qui l’influencèrent. Jean-Baptiste Greuze est évoqué avec le portrait de forme ovale quelque peu mièvre, de la Jeune femme couronnant de fleurs dite Madame de Porcin (fig.5) qui permet d’appréhender le goût du jour et la mode des portraits. Joseph Vernet n’eut pas moins d’influence dans la formation d’Elisabeth Vigée Lebrun : « La nature est le premier de tous les maîtres » lui dira-t-il. Vient l’autoportrait de l’époux Jean-Baptiste Lebrun (1783) quelque peu maladroit avec sa palette, ses pinceaux en faisceaux, rangés comme des canons. On devine un homme attentif à sa personne, coquettement paré de deux camées, amateur d’antiquités avec sa statue-cube égyptienne à l’arrière-plan. Un bien étrange époux dont on ne parvient à comprendre de quel amour il aima sa femme ! À bien des égards, les lignes d’Elisabeth Vigée Lebrun sur son mari sont éloquentes (1).

fig 6. E. Vigée Lebrun, Portrait d’Hubert Robert, 1788, huile sur panneau de chêne, 105x84cm ©Musée du Louvre, Paris

Le Portrait d’Hubert Robert (fig.6) montre avec une fougue naturelle l’esprit en alerte et la vivacité du peintre saisi par l’inspiration, symbolisée par l’imperceptible halo  blanc qui se pose sur lui. Puis, on admire la plus grande psychologie du Portrait par lui même d’Auguste Louis Jean-Baptiste Rivière (fig.7), beau-frère d’Elisabeth Vigée Lebrun. Le peintre en redingote arbore un anneau d’oreille inattendu.

Auguste Louis Jean-Baptiste Rivière (1761-1833) Portrait par lui-même, 1808, huile sur toile, 145x112cm, Paris, collection Max Blumberg et Eduardo Araujo
fig 7. Auguste Louis Jean-Baptiste Rivière (1761-1833) Portrait par lui-même, 1808, huile sur toile, 145x112cm ©Max Blumberg et Eduardo Araujo collection

Le fond neutre est remarquable par l’ombre projetée du portraituré. La Révolution est passée. On sent le romantisme en germe. La nature-morte de la boîte de couleurs au premier plat est particulièrement saisissante, avec son couteau posé en équilibre sur le rebord, à la limite de la chute. Bel artifice pictural renforcé par le flacon de verre, luisant à souhait.

Des génies en jupon 

fig 8. Adèle Romany, née Marie Jeanne Mercier de Romance-Mesmon, Portrait d’une femme peintre dans son atelier, ou Portrait par elle-même, vers 1799, huile sur toile, 176x129cm, © Musée des Beaux Arts, Rouen.

Née dans un  milieu d’artiste, Elisabeth Vigée Lebrun s’affirme à son tour au centre d’un cercle animé d’une émulation esthétique, notamment dans le milieu des femmes artistes. En témoigne l’Autoportrait d’Anne Rosalie Bocquet (vers 1775, collection particulière), amie peintre d’Elisabeth qui manie fermement le pinceau et regarde le spectateur avec un air de défi. Ces femmes travailleuses sont fières de leur art. C’est d’ailleurs le mérite de cette exposition que de (re)mettre en avant les Adélaïde Labille-Guiard, Marie Guillemine Le Roulx de La Ville et Marie Victoire Lemoine. Amies ou élèves d’EVL, évoquées dans ses Souvenirs (2), leurs toiles sont stupéfiantes. L’Atelier d’une femme peintreHommage à Mme Vigée Lebrun de Marie Victoire Lemoine fige dans sa scène le geste d’un pied désinvolte, les tissus minutieux et le crissement du taffetas. Le Portrait d’une femme peintre dans son atelier, ou Portrait par elle-même d’Adèle Romany (1799, Rouen) rend gloire à la femme maîtresse des arts, assise dans une pièce pavée de marbre. La femme-peintre trône au milieu des objets de son inspiration : clavecin, partitions, palette…Elle montre fièrement ses bas raffinés, ses pieds chaussés avec coquetterie (fig.8). Un bracelet à l’antique orne son bras. Le bas de sa robe se distingue par son motif particulièrement élégant.

Marie Guillemine Le Roulx de La Ville, plus tard comtesse Benoist (1768-1826) Portrait par elle-même, 1786, huile sur toile, 92x75 cm, collection particulière
fig 9. Marie Guillemine Le Roulx de La Ville, plus tard comtesse Benoist (1768-1826) Portrait par elle-même, 1786, huile sur toile, 92×75 cm ©collection particulière

Il faut absolument regarder le fascinant Autoportrait de Marie Guillemine Le Roulx de La Ville (fig.9) en train de copier le Bélisaire de DavidL’allégorie et l’autoportrait se rejoignent. La matière du tableau est curieusement mate et moins émaillée que les toiles d’Elisabeth Vigée Lebrun, dont elle fut l’élève, ainsi que du peintre Jacques-Louis David. Elle est l’auteur du célèbre Portrait d’une femme noire, dit « Portait d’une négresse », présenté au Salon de 1800. Marie Guillemine Le Roulx de La Ville a uni ici le drapé antique intemporel et le cachemire précieux, accessoire de mode venu des Indes : un luxe à l’époque ! Un collier serpentin de perles lui sert de bracelet. La tête du vieillard Bélisaire semble pénétrer dans le tableau comme une anamorphose.

Adélaïde Labille-Guiard (1749-1803) L'Artiste dans son atelier avec deux de ses élèves, Marie Gabrielle Capet et Marie Marguerite Carreaux de Rosemond, 1785, huile sur toile, 210.8x151.cm, ©Metropolitan Museum of Art, New York
fig 10. Adélaïde Labille-Guiard (1749-1803) L’Artiste dans son atelier avec deux de ses élèves, Marie Gabrielle Capet et Marie Marguerite Carreaux de Rosemond, 1785, huile sur toile, 210.8×151.cm, ©Metropolitan Museum of Art, New York

Adélaïde Labille-Guiard effectue L’Artiste dans son atelier avec deux de ses élèves, Marie Gabrielle Capet et Marie Marguerite Carreaux de Rosemond (fig.10) L’oeuvre de grand format est somptueuse. Dans l’atelier peuplé d’Antiques, l’artiste pose avec familiarité et fierté son pied sur le montant du chevalet, en apportant un mouvement supplémentaire à la mise en scène. Adélaïde Labille-Guiard se représente en belle robe de satin (taffetas?)  nué d’azur. On s’interroge, à juste titre: mais peignait-elle vraiment dans cette tenue ?!!! Là encore, la femme reste coquette avec son chapeau à plume délicat et ses pendants d’oreilles. Cette oeuvre fait preuve d’une comique mise en abyme :  les trois femmes, complices, s’amusent de voir l’oeuvre en cours de progression. Le procédé des Ménines de Velasquez n’est guère loin. On pourrait même parler de selfie façon XVIIIe siècle !

Des pinceaux à la Cour

« Je voyais souvent la duchesse de Chartres se promener dans le jardin avec ses dames, et je remarquai bientôt qu’elle me regardait avec intérêt et bonté. Je venais de finir le portrait de ma mère, qui faisait grand bruit alors. La duchesse me fit demander pour aller la peindre chez elle. Elle communiqua à tout ce qui l’entourait son extrême bienveillance pour mon jeune talent, en sorte que je ne tardai pas à recevoir la visite de la grande et belle comtesse de Brionne et de sa fille, la princesse de Lorraine, qui était extrêmement jolie, puis successivement celle de toutes les grandes dames de la cour et du faubourg Saint-Germain. »

(E. Vigée Lebrun, Souvenirs)

E. Vigée Lebrun, La maréchale-comtesse de Mailly, née Blanche Marie Félicité de Carbone Pelet, 1783, huile sur toile de forme ovale, 72x 58 cm, collection particulière
fig 11. E. Vigée Lebrun, La maréchale-comtesse de Mailly, née Blanche Marie Félicité de Narbonne-Pelet, 1783, huile sur toile de forme ovale, 72x 58 cm ©collection particulière

E. Vigée Lebrun, Charles-Alexandre de Calonne, 1784, huile sur toile, 149x128 cm, Windsor Castle, The Royal Collection, Her Majesty Queen Elizabeth II
fig 12. E. Vigée Lebrun, Charles-Alexandre de Calonne (détail), 1784, huile sur toile, 149×128 cm ©Windsor Castle, The Royal Collection, Her Majesty Queen Elizabeth II.

En 1778, Elisabeth Vigée Lebrun devient peintre officiel de la reine Marie-Antoinette, après avoir acquis une réputation élogieuse dans les milieux aristocratiques. L’exposition montre la succession des portraits élégants exécutés cette période, comme une valse tourbillonnante de noms nobles. Le Portrait du ministre Calonne (fig.12) témoigne de la haute position sociale et de la fierté du Contrôleur général des Finances, trois ans avant son renvoi par Louis XVI en 1787, dans l’impopularité générale.

(10) EVL, Gabrielle Yolande Claude Martine de Polastron, duchesse de Polignac, 1782, huile sur toile, 92.2x73.3cm, ©Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
fig 13. E. Vigée Lebrun, Gabrielle Yolande Claude Martine de Polastron, duchesse de Polignac, 1782, huile sur toile, 92.2×73.3cm, ©Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Le portrait de Gabrielle Yolande, duchesse de Polignac (fig.13) favorite de la reine, est un chef d’oeuvre de l’exposition. Elisabeth Vigée Lebrun fait le choix de la représenter à mi-corps, dans une robe blanche au col de plumetis plissé négligemment entrouvert. Un chapeau de paille piqué de blé, de bleuets et de coquelicot donne un aspect gracieusement champêtre à la figure. Le châle de dentelle noire à la mode, fait ressortir la fraîcheur du modèle. On voit jusqu’aux veines de sang bleu de ses mains délicates ! Son oeil brillant et sa bouche entrouverte la rendent infiniment présente et vivante. Et l’on songe à la splendeur et à la déchéance de cette femme qui traversa la Terreur,  vit son père guillotiné, ses amis décimés, avant de mourir d’un cancer  en exil à Vienne, après avoir été la favorite de Versailles : « Morte de douleur » lit-on sur sa tombe.

Capture d’écran 2015-10-04 à 14.08.10
fig.14. E. Vigée Lebrun, Jeanne Bécu, comtesse du Barry, en peignoir, avec un chapeau de paille, vers 1781, huile sur toile, 86x66cm, collection particulière & Portrait de la maréchale de Mailly 

L’exposition confronte (involontairement?) le portrait de La maréchale-comtesse de Mailly (fig.11) avec le Portrait de Mme Du Barry (fig.14) en illustrant la différence visuelle de la femme aristocratique et de la femme parvenue. L’une se tient droite dans sa robe historiciste noire et prune, l’autre a le dos tombant dans son peignoir ; le chapeau de la première est large et élégant, la seconde porte une galette de paille plate ; la plume du chapeau est fière pour Mme de Mailly, celle de Mme du Barry pend misérablement ; le ruban parme est virevoltant chez la première, il s’affaisse chez la seconde.

La comtesse Stanislas Marie Adélaïde de Clermont-Tonnerre, née Louise Joséphine Marie Delphine de Rosières de Sorans, plus tard marquise de Talaru, en sultane (détail) 1785, huile sur panneau de bois, 98x72cm, collection particulière
fig.15. E. Vigée Lebrun, La comtesse Stanislas Marie Adélaïde de Clermont-Tonnerre, née Louise Joséphine Marie Delphine de Rosières de Sorans, plus tard marquise de Talaru, en sultane (détail) 1785, huile sur panneau de bois, 98x72cm ©collection particulière

Mme Vigée Lebrun peint plusieurs fois l’ancienne amante de Louis XV, retirée de la Cour. Elle écrit à son sujet : « (…) je lui trouvai plus de naturel dans l’esprit que dans les manières » (3). En d’imperceptibles nuances picturales, elle témoigne de son sens des codes d’une Cour, certes influencée par les modes lancées par Mme du Barry, qui restait néanmoins méfiante à son égard, surtout dans le cercle de Marie-Antoinette. On connaît l’inimitié de la reine à l’égard de la maîtresse « vulgaire » de son beau-père. Une question se pose quand on contemple ces deux tableaux : les préjugés de l’époque ont-ils pu influencer la peinture de Jeanne Bécu ? Quant à la fraîche Blanche de Mailly (1763-1840) mariée à dix-sept ans au vieux Maréchal Augustin-Joseph de Mailly (1708-1794) en 1780, elle survit à son époux tombé sous la guillotine, et meurt en 1840. Il n’y a aucune raideur dans tous les portraits,  tout est en courbe, sans aucun angle droit : courbe des cheveux, courbe des drapés, courbe des plumes, courbes des sourcils, forme ovale des cadres…de Madame Grand  à la comtesse de Ségur au large chapeau, de la baronne de Crussol chantant Echo et Narcisse de Glück à la marquise de Grollier peignant des fleurs (fig.25), du Comte et de la Comtesse de Provence à Louise-Rosalie Dugazon.

La comtesse Stanislas Marie Adélaïde de Clermont-Tonnerre (fig.15), représentée en sultane, égrène un chapelet de perles sur fond de tissu rayé chatoyant, sa longue tresse déroulée. L’orientalisme idéal de ce portrait permet d’évoquer le tableau de L’ambassadeur du Sultan de Mysore, non loin de là, qu’Elisabeth Vigée Lebrun eut l’autorisation exceptionnelle d’approcher (rare privilège pour une femme chrétienne non voilée).

La portraitiste de la reine

E. Vigée Lebrun, Marie-Antoinette en grand habit de cour, 1778, huile sur toile, 273x193.5 cm, ©Kunsthistorisches Museum, Vienne
fig.16. E. Vigée Lebrun, Marie-Antoinette en grand habit de cour, 1778, huile sur toile, 273×193.5 cm, ©Kunsthistorisches Museum, Vienne

Nombreux sont les portraits de Marie-Antoinette dont le nom est si intimement associé à Elisabeth Vigée Lebrun. Portraits intimistes, portraits d’apparat ou portraits de famille, ils révèlent en majesté la personnalité de la malheureuse souveraine. Elisabeth Vigée Lebrun est à l’aise dans les grands formats comme le montre le gracieux Marie-Antoinette en grand habit de cour (fig. 16-17), tout en atmosphère vaporeuse de drapés, de noeuds, de bouillonnés, de plumes, de franges et de fleurs. Curieusement, le souveraine ne porte pas de bijoux, sauf quelques perles piquées dans ses cheveux, à l’ombre du buste de Louis XVI. La femme et le satin ne font qu’un dans cette oeuvre aux tons lilas et pastels qui se fondent avec la carnation lactescente de la reine, connue pour la beauté de son teint. Le Portrait de Marie-Antoinette « en gaule » (1783, Kromberg, Hessische Hausstiftung) présente la souveraine dans une chemise d’une simplicité désarmante, qui valut des critiques au peintre et à son modèle.

E. Vigée Lebrun, Marie-Antoinette en grand habit de cour (détail) 1778, huile sur toile, 273x193.5 cm, ©Kunsthistorisches Museum, Vienne
fig.17. E. Vigée Lebrun, Marie-Antoinette en grand habit de cour (détail) 1778, huile sur toile, 273×193.5 cm, ©Kunsthistorisches Museum, Vienne

On admire le ravissant portrait de Madame Royale et son frère le dauphin, Louis Joseph Xavier François (1784, Versailles), surnommés par leur mère « Mousseline » et « Chou d’Amour ». Le thème de l’enfance et de l’innocence échappe à la mièvrerie en raison de la virtuosité du traitement pictural : les étoffes sont presque palpables, la texture des cheveux est peignée de douceur, les lilas, roses et oeillets parfument la scène. Le nid d’oiseau apporte une touche sacrée en rappelant le souvenir de l’Enfant-Jésus ou du petit Saint Jean-Baptiste tenant un oiseau, comme symbole de l’âme (Vierge au chardonneret de Raphaël vers 1506, Offices ; Vierge à l’Enfant de Carlo Crivelli, musée  Jacquemart-André).

La légèreté fait place à une gravité progressive. Le tragique Marie-Antoinette et ses enfants (18-19) se dresse au milieu de la cour de portraits dans sa monumentalité et sa verticale tristesse. On est saisi d’une profonde émotion en contemplant de si près ce tableau dont on connaît l’histoire : Sophie-Béatrice de France, quatrième enfant de Louis XVI et Marie-Antoinette, meurt de maladie, âgée seulement de quelques mois, au moment où Elisabeth Vigée Lebrun exécute ce portrait familial.  Le berceau a été recouvert d’un voile noir et l’enfant qui dormait a été effacé (les ébauches au pastel sont visibles dans l’exposition). La mère endeuillée conserve sa dignité mélancolique, les tissus sont plus alourdis et pesants, et d’un rouge comme teinté de sang. Le petit dauphin Louis-Joseph qui désigne le berceau, mourra lui aussi deux ans plus tard, le 4 juin 1789, pendant les États Généraux. Aux députés qui refusèrent de lui accorder les jours qu’il demandait pour faire son deuil, Louis XVI prononça les fameux mots suivants : « N’y a-t-il pas de pères dans cette assemblée du tiers ? »

Elisabeth Vigée Lebrun, Marie-Antoinette et ses enfants, 1787, huile sur toile, 271x215cm, Versailles © Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
fig.18. Elisabeth Vigée Lebrun, Marie-Antoinette et ses enfants, 1787, huile sur toile, 271x215cm, Versailles © Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Elisabeth Vigée Lebrun, Marie-Antoinette et ses enfants (détail), 1787, huile sur toile, 271x215cm, Versailles ©Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
fig.19. Elisabeth Vigée Lebrun, Marie-Antoinette et ses enfants (détail), 1787, huile sur toile, 271x215cm, Versailles ©Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Femmes et mères

Adélaïde Labille-Guiard, Portrait présumé de Madame Claude Charlot et son fils Nicolas-François ou de Madame Nicolas-François Charlot et son fils Vincent, 1799, huile sur toile, 118x90 cm, collection particulière
fig.20. Adélaïde Labille-Guiard, Portrait présumé de Madame Claude Charlot et son fils Nicolas-François ou de Madame Nicolas-François Charlot et son fils Vincent, 1799, huile sur toile, 118×90 cm, collection particulière

Elisabeth Vigée Lebrun devient une spécialiste reconnue pour sa sensibilité à représenter des scènes d’enfance, des nouveaux-nés et à magnifier le thème des maternités, à l’huile ou au pastel. Adélaïde Labille-Guiard s’illustre aussi dans ce genre avec talent, avec un pinceau moins idéaliste, comme en témoigne son Portrait présumé de Madame Claude Charlot et son fils Nicolas-François (fig.20) représentant une bourgeoise plantureuse et pleine de santé, donnant le sein à son (grand!) enfant.

E. Vigée Lebrun, Jeanne Julie Louise Le Brun se regardant dans un miroir, 1787, huile sur panneau, 73x60.3 cm, collection particulière
fig 21. E. Vigée Lebrun, Jeanne Julie Louise Le Brun se regardant dans un miroir, 1787, huile sur panneau, 73×60.3 cm, collection particulière

Elisabeth Vigée Lebrun devient une spécialiste reconnue pour sa sensibilité à représenter des scènes d’enfance, des nouveaux-nés et à magnifier le thème des maternités, à l’huile ou au pastel. Adélaïde Labille-Guiard s’illustre aussi dans ce genre avec talent, avec un pinceau moins idéaliste, comme en témoigne son Portrait présumé de Madame Claude Charlot et son fils Nicolas-François (fig.20) représentant une bourgeoise plantureuse et pleine de santé, donnant le sein à son (grand!) enfant. On reste amusé par le petit portrait de sa fille Jeanne-Julie au miroir (fig.21) original et improbable comme un jeu d’enfant : le reflet de la glace montre son visage, en faisant fi des lois de la perspective la plus élémentaire ! (mais est-ce vraiment un miroir ? On dirait davantage un tableau dans le tableau.) La Tendresse maternelle (1786, Louvre) représente aussi Elisabeth Vigée Lebrun et sa fille. On retrouve la même Jeanne-Julie, quelques années plus tard, posant comme modèle de baigneuse avec une candeur interrogative (fig. 23), comme une allégorie de la pudeur, dans la veine des compositions de Greuze ou de la chaste Suzanne au bain d’un Santerre (fig.22). Étonnamment,  Elisabeth Vigée Lebrun n’a produit, semble-t-il, aucune oeuvre religieuse, en restant cantonnée au genre du portrait, mais il y a bien quelque chose de sacré dans ses représentations et ses visions du lien maternel et de l’enfance. Le Portrait de la Baronne Anna Sergueïevna Stroganova avec son fils (vers 1795-1801, musée de l’Ermitage) est d’inspiration clairement mariale dans sa représentation de la maternité.

Santerre, Suzanne au Bain, 1704, Musée du Louvre
fig 22. J.-B. Santerre (1658-1717), Suzanne au Bain (détail), 1704, ©Musée du Louvre, Paris

IMG_9268
fig 23. E. Vigée Lebrun, Julie Le Brun en baigneuse, 1792, huile sur toile, 73×55.5 cm ©collection particulière

L’émigration (1789-1802)

L’exposition marque bien la césure, grâce à la scénographie sobre et éloquente de Loretta Gaïtis : on passe du fond bleu au fond vert, on monte l’escalier du Grand Palais, symbole de la guerre, de la Révolution et de son divorce avec Jean-Baptiste Lebrun. Suspecte en raison de son attachement à la monarchie, Elisabeth Vigée Lebrun quitte Paris en 1789, abandonne son bel hôtel de Lubert en proie aux attaques révolutionnaires. Elle part pour douze années loin de la France, et parvient à transformer son exil en Grand Tour. Elle peint en Italie, en Suisse, en Autriche, en Russie, et portraiture l’Europe entière. La grande carte de ses itinéraires de voyage (1789-1802) permet de suivre le voyage de cette femme courageuse, et au caractère bien trempé. Il fallait une puissante force de résilience pour continuer à planter son chevalet dans chaque ville d’exil, et une intelligence pleine de tact pour rester à la hauteur de sa réputation de portraitiste. Elle poursuit sa vie artistique, inséparable de sa vie mondaine.

E. Vigée Lebrun, Lady Hamilton en Sibylle de Cumes, 1792, huile sur toile, 73x57.2cm, collection particulière
fig 24. E. Vigée Lebrun, Lady Hamilton en Sibylle de Cumes, 1792, huile sur toile, 73×57.2cm, collection particulière

À Naples elle rencontre Lady Hamilton, amante de Nelson, qu’elle peint en bacchante sur fond de Vésuve et en Sybille de Cumes (fig.24) selon la mode des portraits semi-religieux dans lesquels les femmes sont hissées au rang de saintes, d’allégories, de martyres ou d’héroïnes. On pense à Mrs Sheridan en sainte Cécile de Joshua Reynolds (1790, Waddeson Manor) ou à Lady Hamilton en Sainte Cécile (fig. 25) du peintre anglais Richard Westall (1765-1836). Elle peint La princesse Maria Josepha Hermenegildo von und zu Liechtenstein en Ariane à Naxos (1793, Vienne) et exécute les portraits de Mme Adélaïde et Mme Victoire, filles de Louis XV en exil. Elle fait la connaissance d’une autre célèbre femme peintre de la Royal Academy de Londres, Angelika Kauffmann. A la cour de Russie, sa palette se fait parfois plus sombre, parfois plus émaillée comme dans le portrait d’Anna Flora von Kegeneck (fig.26).

Richard Westall, Lady Hamilton en sainte Cécile, fin XVIIIème siècle, (c) National Maritime Museum
fig 25. Richard Westall, Lady Hamilton en sainte Cécile, fin XVIIIème siècle ©National Maritime Museum

Sensible au plein-air du romantisme, Elisabeth Vigée Lebrun accorde de plus  en plus de place aux paysages, et aux poses méditatives face à la nature dans ses tableaux. Goethe n’est pas loin ! Germaine de Staël non plus. Le célèbre écrivain est représentée les yeux inspirés et la lyre à la main, en Corinne au Cap Misène. Vigée Lebrun revient à Paris en 1802, séjourne en Grande Bretagne entre 1803 et 1805, voyage aux Pays-Bas et en Belgique. Les murs des dernières salles de l’exposition sont pourpres. La mode a changé. L’aigle de l’Empire plane, puis vient la Restauration. Notre portraitiste meurt en 1842, après avoir laissé des chefs d’oeuvre de portraits masculins et féminins dans toutes les cours de l’Europe.

Une question de têtes 

Capture d’écran 2015-10-11 à 16.57.01
26. E. Vigée Lebrun, Anna Flora von Kegeneck, 1792, huile sur toile, 25.3×62.6cm ©Fondation Georges Bemberg

Un seul regret étreint l’âme en sortant de l’exposition : celui de ne pas avoir vu le Portait de la duchesse d’Orléans, ironiquement adjugé aux enchères au moment de l’ouverture de l’exposition. Trois siècles après, voilà que la Nation se bat pour conserver et acquérir les visages peints de ceux et celles qu’elle avait guillotinés ou dont elle avait coupé la tête des proches…Finalement, une tête peut être mise à prix de diverses manières !

Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre…Un lancinant visage demeure tout au long de notre promenade esthétique : toutes ces femmes ont curieusement le même air, indéfinissable et reconnaissable entre tous, qui rappelle inconsciemment le propre visage d’Elisabeth Vigée Lebrun. La force de son style n’est-il pas finalement le fruit de son introspection ? Et à travers tous ces profils, n’était-ce peut-être pas son propre reflet qu’elle cherchait ?

©Gabrielle de Lassus Saint-Geniès, 11 octobre 2015

(1) E. Vigée Lebrun, Souvenirs, Lettre I, t.1, H. Fournier, éd.1835. 

(« Ce n’est pas que M. Lebrun fût un méchant homme: son caractère offrait un mélange de douceur et de vivacité; il était d’une grande obligeance pour tout le monde, en un mot assez aimable; mais sa passion effrénée pour les femmes de mauvaises moeurs, jointe à la passion du jeu, ont causé la ruine de sa fortune et la mienne, dont il disposait entièrement; au point qu’en 1789, lorsque je quittai la France, je ne possédais pas vingt francs de revenu, après avoir gagné, pour ma part, plus d’un million. Il avait tout mangé. »)

(2) Ibid. Lettre IV, t.1 

(« Parmi mes élèves se trouvait mademoiselle Emilie Roux de La Ville, qui depuis a épousé M. Benoist, directeur des droits réunis, et pour laquelle Demoustiers a écrit les Lettres sur la Mythologie. Elle peignait au pastel des têtes où s’annonçait déjà le talent qui lui a donné une juste célébrité. Mademoiselle Emilie était la plus jeune de mes élèves, pour la plupart plus âgées que moi, ce qui nuisait prodigieusement au respect que doit imprimer un chef d’école. J’avais établi l’atelier de ces demoiselles dans un ancien grenier à fourrage, dont le plafond laissait à découvert de fort grosses poutres. Un matin, je monte et je trouve mes élèves, qui venaient d’attacher une corde à l’une de ces poutres, et qui se balançaient à qui mieux mieux. Je prends mon air sérieux, je gronde, je fais un discours superbe sur la perte du temps; puis voilà que je veux essayer la balançoire, et que je m’en amuse plus que toutes les autres. Vous jugez qu’avec de pareilles manières il m’était difficile de leur imposer beaucoup, et cet inconvénient, joint à l’ennui de revenir à l’a b c de mon art en corrigeant des études, me fit renoncer bien vite à tenir cette école. »)

(3) Ibid, Lettre X, t.1 

(« Ce mot reporte mon souvenir sur une femme dont je ne vous ai pas encore parlé, quoique je l’aie vue de fort près; une femme qui, sortie des derniers rangs de la société, a passé par les palais d’un roi pour aller à l’échafaud, et à qui sa triste fin fait pardonner le scandaleux éclat de sa vie. C’est en 1786 que j’allai, pour la première fois, à Louveciennes, où j’avais promis de peindre madame Dubarry, et j’étais extrêmement curieuse de voir cette favorite, dont j’avais si souvent entendu parler. Madame Dubarry pouvait avoir alors quarante-cinq ans environ. Elle était grande sans l’être trop; elle avait de l’embonpoint; la gorge un peu forte, mais fort belle; son visage était encore charmant, ses traits réguliers et gracieux; ses cheveux étaient cendrés et bouclés comme ceux d’un enfant; son teint seulement commençait à se gâter. Elle me reçut avec beaucoup de grâces, et me parut avoir fort bon ton; mais je lui trouvai plus de naturel dans l’esprit que dans les manières: outre que son regard était celui d’une coquette, car ses yeux allongés n’étaient jamais entièrement ouverts, sa prononciation avait quelque chose d’enfantin qui ne seyait plus à son âge. »