L’angélique, plante des anges et des fées

Angelica Archangelica

fig.1 Angélique (Angelica Archangelica) plante de la famille des Ombellifères ©GLSG

La sève du printemps redonne vigueur à l’Angélique officinale, plante princière de la famille des Ombellifères qui ouvre ses éventails vert tendre en déployant ses vertus aussi esthétiques que médicinales. Georg Franz Hoffmann la nomme Angelica Officinalis alors que Linné l’appelle du nom flamboyant d’Angelica Archangelica. Célèbre pour son odeur aromatique et son goût électrique, elle semble un peu la « bonne fée » verte et vertueuse face à l’absinthe, « mauvaise fée » verte et vicieuse. Joseph Pitton de Tournefort la représente dans ses Éléments de botanique (fig.3). Son superbe feuillage dentelé et ses longues tiges cannelées aux vastes inflorescences lui donnent un aspect décoratif séduisant qui inspire le vase Angélique d’Émile Gallé ou le dessinateur Eugène Grasset. Ce dernier analyse avec passion et rigueur cette plante pour en tirer divers motifs architecturaux. Certains de ses dessins conservés au Musée d’Orsay (fig.2) témoignent des projets variés qu’il inventa suite à l’étude minutieuse et naturaliste de la noble plante : mosaïques, stores en tulle, coussins. On lit sur un de ses croquis annotés dédié à un projet de console : « Cette plante exige une forme de console formante un peu masse en haut pour bien développer la fleur. » Il ré-interprète notamment la structure de la plante dans un croquis extraordinaire intitulé Angélique sauvage schématisée où nature et géométrie font preuve d’émulation.

Eugène Grasset Angélique entre 1890 et 1903 crayon H. 0.196 ; L. 0.156 musée d'Orsay, Paris, France ©photo musée d'Orsay / rmn

fig. 2 Eugène Grasset
Angélique, entre 1890 et 1903, crayon ©musée d’Orsay / rmn

Culture

Bisannuelle ou vivace, on sème les graines d’angélique à 2-3 cm de profondeur au printemps. L’angélique pousse rapidement mais on peut préférer planter directement des jeunes plants à mi-ombre, dans un espace assez large afin de lui laisser la place de se développer car elle peut atteindre jusqu’à 1,80 de hauteur et 1,50 m d’étalement. Au large ! Madame n’aime pas beaucoup la concurrence d’autres espèces: il faut à cette coquette raffinée son boudoir, en laissant les plantes importunes dans l’antichambre. Le sol doit être profond, humide, riche en terreau. Le jardinier ne doit pas s’inquiéter si nulle fleur n’apparaît la première année car l’angélique, dame gracieuse, décide de faire fleurir ses grandes ombelles aux minces fleurs blanches seulement la seconde année. Hélas, après sa floraison magique, la plante dépérit et s’étiole comme une Belle au bois dormant lasse de se réveiller. C’est alors qu’il faut récolter ses graines et les conserver précieusement pour les semer au printemps suivant. On trouve naturellement l’Angélique en Europe du Nord, près des rivières. L’Angélique de Niort est particulièrement réputée, et contribue à embellir les abords de la Venise Verte du Marais Poitevin. L’angélique sauvage ou « angélique des bois » (Angelica sylvestris) fait partie de la même famille.

Titre : Élémens de botanique, ou Méthode pour connoître les plantes, par M. Pitton Tournefort,.... III. [Pl. 235-451.] Auteur : Tournefort, Joseph Pitton de (1656-1708). Auteur du texte Éditeur : Impr. royale (Paris)

fig.3 Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708), L’Angélique in Élémens de botanique, ou Méthode pour connoître les plantes, III. [Pl. 235-451.] Éditeur : Impr. royale (Paris) © BNF

Symbolique

Les surnoms populaires de l’angélique sont multiples: « Racine du Saint-Esprit », « herbe-aux-anges », « herbe aux fées », « faux-panais », « herbe-à-la-fièvre », « impératoire sauvage ». Les vertus de la plante auraient été révélées par l’archange Raphaël (« Dieu guérit »), de qui elle tient son nom. Elle est utilisée au Moyen-Age contre la peste et les maladies. Elle préserve des démons et des chiens enragés. Son parfum chasse les sorcières et conjure les envoûtements. Olivier de Serres l’évoque dans Le Théâtre d’Agriculture en disant que son nom lui a été donné à cause des « vertus qu’elle a contre les venins ». 

Usage culinaire

Alexandre Dumas dans son Dictionnaire de Cuisine la décrit ainsi : « Plante aromatique, originaire de Syrie, et qui croît en général le long des rivières qui avoisinent les montagnes. Cette plante est un grand régal pour les Lapons ; ils en mangent les feuilles et les racines bouillies dans du lait ; c’est en la mâchant et en mangeant les baies qu’ils trouvent sous la neige qu’ils complètent leur dessert. La meilleure angélique se fabrique à Niort, ou l’on a pieusement gardé la tradition et les formules employées par les religieuses de la Visitation de Sainte-Marie pour la confection de cette excellente conserve. » Toute la plante est comestible, tige, feuille et racine. On utilise généralement sa tige creuse après deux ou trois ans, quand elle est épaisse pour la confire dans un sirop de sucre. Il s’agissait autrefois d’une confiserie de luxe. L’angélique confite est utilisée dans les cakes et en décoration de pâtisserie. Brillat-Savarin évoque aussi la confiture d’angélique de Niort et les Visitandines. Elle entre dans la composition de nombreuses liqueurs et alcools comme l’élixir de la Grande Chartreus le Gin et le Bitter.

Vertus

Hildegarde de Bingen vante la puissance de l’angélique. Ses propriétés médicinales sont innombrables. Elle est tonifiante, dépurative, vulnéraire, stimule l’appareil digestif, aide à la concentration et à la relaxation avant les examens. On récolte les feuilles au printemps ou au début de l’été pour les utiliser fraîches ou sèches en infusion. Elles peuvent être consommées crues pour aider à la digestion. On déterre les racines fraîches et profondes à l’automne pour les faire sécher et les conserver afin de faire des infusions. Toute les parties de la plante exsudent un baume. L’huile essentielle d’angélique, utilisée dans la chimie des parfums, s’obtient aussi bien à partir de la feuille que de la tige que des semences. Elle se trouve dans les ingrédients de l’eau thériacale, du Baume du Commandeur, de l’orviétan, de l’Eau de Mélisse des Carmes Boyer. La poudre de graines d’angélique combattrait aussi les poux…

Plante au service de la beauté, elle contient des actifs qui luttent contre les radicaux libres et donc…le vieillissement. Une gamme de L’Occitane est dédiée à l’angélique pour soigner l’éclat et hydrater.

Angélique confite

  • 5 à 10 tiges d’angélique
  • 500 g à 1kg de sucre en poudre
  • 1 litre d’eau

Plonger les tiges d’angélique pendant 15 min dans de l’eau bouillante. Les retirer et les plonger dans de l’eau glacée. Les égoutter. Faire un sirop clair de 500g de sucre et l’équivalent d’eau (augmenter ou diminuer les proportions selon le nombre de tiges). Les verser sur les tiges. Refaire cette opération trois jours de suite avec du sirop de plus en plus épais. Les sécher et les ranger à l’abri en les saupoudrant de sucre.

Infusion de tiges d’angélique

20 à 30g de jeunes tiges d’angélique par litre d’eau bouillante.

Infusion de racines d’angéliques pour faire tomber la fièvre

20 à 30 g de racine séchée d’angélique par litre.

Tisane de l'Archange©GLSG

fig.4 Tisane de l’Archange©GLSG

Tisane de l’Archange

Couper en morceau une tige d’angélique avec feuilles, les déposer dans un verre et verser de l’eau bouillante. Laisser infuser (fig.4).

Vin anti burn out 

Faire macérer dans du bon vin 30 à 50 g de romarin et de racine d’angélique (pour 1 litre ; 2 à 3 verres par jour). Utile en cas de burn out, de surmenage, pour aider à la convalescence.

Décoction d’angélique

La décoction d’angélique se prépare en mettant 30 à 50 g de racine, de feuilles et de tige dans de l’eau froid que l’on fait bouillir. On la boit chaude, tiède ou refroidie. Elle peut être utilisée pour des applications externes cutanées.

Eau d’angélique pour le visage

Utiliser la décoction d’angélique fraîche ou tiède pour tonifier le visage et appliquer sur les yeux fatigués pour les décongestionner.

Shot-Detox de l’Oiseau Lyre (recette magique):

  • 1 branche d’angélique fraîche
  • 3/4 feuilles de mélisse fraîche
  • 2/3 feuilles de menthe fraîche
  • quelques baies de goji
  • 1 à 2 cuillères de miel

Mettre dans une casserole en pyrex deux grands verres d’eau (éviter le métal). Ajouter l’angélique, la mélisse et la menthe après les avoirs coupées sommairement. Mélanger avec une cuillère en bois. Attendre l’ébullition. Laisser la décoction bouillir en mélangeant de temps à autre de 5 à 10 min maximum. Vers la fin, ajouter une à deux cuillères de miel selon le goût souhaité. Mélanger. Éteindre le feu. Ajouter les baies de goji. Laissez refroidir et boire rapidement pour profiter des vertus détoxifiantes et tonifiantes de l’angélique grâce à ce shot magique qui vous transformera en Fée Clochette. Variante possible en ajoutant à l’angélique,sauge, thym-citron, verveine, etc…

Alonso Cano (1601-1667) Vision de Saint Jean l'Évangéliste (détail) 1636-37, huile sur toile ©Wallace Collection, Londres

Alonso Cano (1601-1667) Vision de Saint Jean l’Évangéliste (détail), 1636-37, huile sur toile ©Wallace Collection, Londres

 

En résumé, la belle Angélique se révèle un délicieux et vigoureux archange-gardien botanique qui veillera toujours avec bienveillance sur ceux qui lui donneront une place au soleil de leur jardin.

 

Gabrielle de Lassus Saint-Geniès, le 28 avril 2016