Présentation de l’exposition L’HERBIER DE L’AIR

Vidéo de présentation ©GLSG/Collection Sensations

Toutes les œuvres présentées dans cette exposition-promenade ont pour point commun d’appartenir au fascinant HERBIER DE L’AIR conçu et imaginé par l’artiste et poétesse Gabrielle de Lassus Saint-Geniès et présentée du 12 décembre 2023 au 17 février 2024 à la Médiathèque de Roanne qui lui a commandé ce projet. Durant l’été 2023, saison des cyanotypes, elle a installé son atelier dans les champs d’Occitanie afin d’observer la nature et plus particulièrement son lien avec l’AIR qui contribue à la reproduction des plantes grâce au principe de DISSÉMINATION. Cette expérience a été la source de création de 15 tirages uniques en CYANOTYPE et leur spécimen sous forme de 15 planches d’herbier-poème en diptyque soient 30 œuvres qui sont offertes au regard. Profondément artistique, cette dispersion des graines ou CHORIE a été la source esthétique d’inspiration de cet HERBIER.

LA TECHNIQUE DU CYANOTYPE

Le CYANOTYPE est une technique de photographie alternative découverte au XIXe siècle qui exalte, entre autres, la beauté du monde végétal grâce à la solarisation d’empreintes de végétaux sur du papier enduit de Bleu de Prusse et à une symbiose esthétique avec les 4 éléments : terre, soleil, air et eau. 

UNE EXPOSITION AUTOUR DE LA BOTANIQUE ET DE LA DISPERSION DES GRAINES

Cette exposition-promenade s’ordonne autour de 3 grandes familles botaniques :  les POACÉES, les APIACÉES et les ASTÉRACÉES afin de faire deviner le lien qu’elles entretiennent avec l’infiniment grand du bleu du ciel et l’infiniment petit de la semence dispersée au gré du vent, de l’eau, de la gravitation et du mouvement des êtres. Les plantes étant des êtres vivants non mobiles, elles ont développé d’étonnantes stratégies d’éloignement du pied-mère pour pouvoir se reproduire. 

UN HERBIER DE SONNETS

L’artiste a composé en regard 15 sonnets écrits à la main autour des spécimens afin de faire écho à leur nom souvent poétique à l’image de la Brize, de l’Angélique ou des Cheveux d’Anges. Cet HERBIER-POÈME se présente sous la forme de planches botaniques accompagnées de SONNETS. L’artiste a souhaité ici intellectualiser chaque plante pour montrer la musicalité de la nature et son analogie avec la recherche d’absolu et d’idéal de la Poésie par l’harmonie des sons et des formes. Les semences des végétaux se disséminent comme l’art éclos dans le cœur de la poétesse avant d’être transmis au monde grâce à l’écriture et à la lecture. Saisissant la fugace légèreté des graines s’envolant dans l’atmosphère et leur éphémère – mais fertile – voyage aérien, cette méditation visuelle bleue et blanche invite à la contemplation des prodiges du Vivant en mêlant l’art, la science et la poésie autour de la BOTANIQUE-REINE.

NOTE : une dizaine de loupes accompagnent l’exposition durant sa durée. Elles peuvent être utilisées pour observer les détails des tirages et des planches d’herbier-poèmes. 

PREMIÈRE PROMENADE

POACÉES, au royaume aérien des graminées 

Les Poacées font partie d’une des familles les plus vastes et les plus connues du monde botanique. En effet cette famille contient plus de 10 000 espèces et environ 780 genres. Les Poacées sont cultivées dans presque dans toutes les parties du monde pour leurs qualités ornementales et nutritives. C’est notamment la famille de nombreuses céréales comme le riz, l’avoine, le blé, le seigle, la canne à sucre, le maïs et même le bambou. Mais elles sont aussi présentes comme herbes parfois envahissantes (malherbologie : science des « mauvaises herbes »).

Les Poacées, appelées également Graminées, ont des tiges généralement creuses et cylindrique (« chaume ») et sont présentes dans les prairies et les pâturages grâce aux « nœuds » de leurs tiges qui leur permettent de se redresser et des résister aux fauches fréquentes. 

Bromus, famille des Graminées, Gaston Bonnier (1853-1922) Flore complète illustrée en couleurs, de France, Suisse et Belgique, Delachaux et Niestlé, t.12, pl.684, 1914-35 ©Gallica

Observer les Poacées c’est aussi s’intéresser aux fascinantes stratégies de dispersion des graines (chorie). Celles de l’Avoine folle ou des Cheveux d’anges s’accrochent au pelage des bêtes (zoochorie) ou aux vêtements des êtres humains (anthropochorie) ; celles de la Brize et de la Digitaire s’envolent avec le vent (anémochorie) ; d’autres comme le Brome stérile s’accrochent aux poils des bêtes ou tombent par terre avec la gravité au pied de la plante (barochorie). Dans tous les cas, l’air demeure un vecteur principal de pollinisation et de dissémination.

CHORIE (du grec ancien khôrein « se mouvoir ») = en biologie, ce suffixe désigne le mode de dispersion des graines, spores, larves, œufs, etc. 

ANÉMOCHORIE = dispersion par le vent 

ANTHROPOCHORIE = dispersion par les êtres humains

BAROCHORIE = dispersion par la gravité 

HYDROCHORIE = dispersion par l’eau 

ZOOCHORIE = dispersion par les animaux

  • Ci-dessous, galerie des 10 oeuvres exposées dans la section des Poacées

DEUXIÈME PROMENADE

APIACÉES, l’empire des ombelles et l’art du cyanotype

Anciennement appelée la famille des Ombellifères avec son inflorescence caractéristique en ombelle, la famille des Apiacées compte environ 470 genres et 3700 espèces dans le monde. L’observation des feuilles et des diakènes (graines doubles) est très importante pour l’identification des spécimens qui compte des plantes comestibles ou des condiments (carotte, aneth, cumin, anis, céleri, persil, fenouil…) mais aussi des plantes toxiques (petite cigüe, grande cigüe, œnanthe safranée…)  

Une ombelle est un type d’inflorescence dans laquelle toutes les fleurs naissent d’un même point.  Dans les ombelles composées, chaque rayon de l’ombelle porte lui-même une ombellule dont les fleurs naissent elles-mêmes d’un même point, celui-ci étant entouré parfois de petites bractées (feuilles à la base de fleurs ou d’inflorescences). Toute la surface de la graine peut être poilue, munie de crochets ou former une aile ce qui aide à la dispersion du fruit par le vent. 

Ombelle de Fenouil, gravure issue de l’ouvrage de Robert Morison, Plantarum Umbelliferarum Distributio nova, 1672

L’impériale famille des Ombelles compte des plantes herbacées annuelles ou vivaces qui sont parmi les plus spectaculaires quand elles sont magnifiées avec la technique du cyanotype. Leur structure aérienne qui rappelle la formes des astres et des phénomènes célestes permet de décliner ces spécimens en empreintes oniriques, renforcées par la couleur bleue des tirages évoquant le bleu du ciel, l’infini et l’éternité. Cette couleur primaire apaisante possède de nombreuses symboliques positives dans toutes les civilisations. 

Le CYANOTYPE (cyanotypos = impression cyan) a été découvert en Angleterre en 1841 par le savant et astronome John Herschel (1792-1871). Il s’agit d’une technique de photographie alternative qui permet d’obtenir des empreintes de plantes ou d’objets posés sur une feuille enduite de produits photosensibles (citrate d’ammonium ferrique et ferricyanure de potassium) et exposée quelques minutes à la lumière du soleil (UV), puis rincée à l’eau et séchée afin que l’image obtenue soit fixée en couleur bleu de Prusse. Cette technique a été développée par Anna Atkins (1799-1871), l’une des premières femmes photographes, célèbre pour ses nombreux tirages de végétaux et ses recensions botaniques d’algues britanniques en cyanotype (British Algae).  

  • Ci-dessous, galerie des 10 oeuvres exposées dans la section des Apiacées

TROISIÈME PROMENADE

ASTÉRACÉES, un champ d’étoiles poétiques

On lit le terme « astre » dans la famille des Astéracées. En effet, elle tient son nom de la forme étoilée de ses fleurs radiées regroupées en capitules, qui présentent des lignes rayonnantes à partir d’un point central. Des plantes renommées s’inscrivent dans cette famille nombreuse qui compte environ 23 500 espèces et 1600 genres comme la marguerite, la pâquerette, le pissenlit, l’achillée ou la chicorée. Certaines sont des plantes comestibles connues comme l’artichaut, la laitue, le cardon, l’endive, d’autres se révèlent médicinales comme le souci, la camomille ou l’immortelle.  Beaucoup d’entre elles sont mellifères, c’est-à-dire qu’elles attirent les abeilles mais elles peuvent aussi se multiplier de façon erratique et devenir des adventices (« mauvaises herbes » des cultures).  

Dans l’art du cyanotype, les astéracées permettent de jouer avec les formes irradiantes, les transparences de pétales et l’abondance des graines dont la légèreté est source d’émerveillement. C’est ici l’occasion de « lire les astres » ou plutôt de « lire les astéracées » au sens figuré pour montrer la métaphore de la création artistique et poétique. À l’image de la nature qui se lit comme un livre et qui s’observe comme une œuvre d’art, l’intuition d’un poème naît dans l’esprit telle une graine. Ce dernier grandit et pousse avec le travail de l’écriture, l’eau et le soleil de l’inspiration, puis il se donne au monde comme un astre en fleur qui illumine. Enfin, sa semence s’envole et porte son fruit en d’autres lieux comme un poème appris ou lu est répété à d’autres êtres qui le lisent et le répètent à leur tour. La célèbre devise des dictionnaires Larousse : « Je sème à tout vent ! » qui présente une femme soufflant sur un pissenlit en graine en reste un exemple frappant :  un savoir donné ne prive pas celui qui le donne mais il augmente le trésor d’autrui comme le feu se multiplie et ne perd aucune de ses qualités en étant offert à d’autres. 

  • Ci-dessous, galerie des 10 oeuvres exposées dans la section des ASTÉRACÉES
L’artiste et poétesse Gabrielle de Lassus Saint-Geniès ©GLSG/Collection Sensations