Un herbier contemporain présenté au Printemps 2023 au Château de Bussy-Rabutin

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Présenté au printemps 2023 dans le cadre de la restauration de l’aile Sarcus par le Centre des monuments nationaux au château de Bussy-Rabutin (Côte d’Or), L’Herbier de Bussy-Rabutin 2022 est un herbier contemporain que j’ai conçu en écho à l’herbier du XIXe siècle attribué au Comte de Sarcus et à sa famille. Ce dernier est conservé dans un magnifique cartonnier et contient 701 spécimens.

Planche de la GLYCINE DE CHINE (Wisteria sinensis) Herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
  • JEAN-BAPTISTE DE SARCUS ET ROGER DE BUSSY-RABUTIN

Jean-Baptiste de Sarcus (1787-1875)

Jean-Baptiste de Sarcus (1787-1875) fait l’acquisition du château en 1835. C’est un homme lettré qui s’intéresse à Roger de Bussy-Rabutin (1618-1693) et au Grand Siècle. Cousin de Madame de Sévigné, Bussy-Rabutin est exilé sur ses terres après avoir écrit sa célèbre Histoire amoureuse des Gaules , satire de la cour de Louis XIV. Il décore son château de devises peintes et de portraits notamment la célèbre Tour Dorée. Il est capitaine de cavalerie de Louis XVIII. C’est un homme intéressé par les arts, la botanique, l’agriculture. Il possède une vaste bibliothèque.

Roger de Bussy-Rabutin (1618-1693)

Dans le cadre de la restauration et du remeublement de l’aile dite « Sarcus » par le Centre des Monuments Nationaux en 2022-23, il a été décidé d’aménager l’Office ou Cabinet du Poêle, au rez-de-chaussée, situé entre la cuisine et le fruitier afin que le nouveau parcours de visite évoque l’aspect majeur des bienfaits de la nature et comment le Comte de Sarcus veilla à faire de Bussy-Rabutin un domaine agricole bien géré à l’image de l’herbier qui lui est attribué. Espace « intérieur » faisant écho à l’espace « extérieur », cette pièce souhaite mettre en scène le patrimoine vert et décrire le lien intime de ses habitants avec la terre, tout en rappelant que Bussy possède un Jardin remarquable.

Le Château de Bussy-Rabutin (Côte d’Or) ©CMN

Le Château de Bussy-Rabutin possède les labels « Maison des Illustres » et « Jardin remarquable »
  • L’HERBIER ATTRIBUÉ AU COMTE DE SARCUS
Le Cartonnier de l’herbier attribué au Comte de Sarcus ©Cmn/GLSG

Dans l’antichambre de l’étage, un herbier daté du XIXe siècle répertorie 701 spécimens. La constitution de ce vaste ensemble est attribuée au Comte de Sarcus et à sa famille. Il est conservé dans un remarquable état, au sein d’un beau cartonnier d’époque. Les végétaux sont séchés, collés et montés sur des feuilles conservées dans une dizaine de boîtes à archives cartonnées. 


Carthame des Teinturiers
(Carthamus tinctorius)
Planche de l’herbier de Sarcus, XIXe siècle ©Cmn/GLSG

L’herbier a été présenté pour la première fois au public en juin 2015 grâce à une remarquable étude faite par Yannick Bacquet, François Ravenet, François Durlet et Olivier Bardet, responsable de la délégation Bourgogne du Conservatoire botanique national du bassin parisien afin d’en documenter, recenser et numériser le contenu. Sur les 701 planches, seules 150 portent la mention d’une localité liée aux lieux de villégiature de la famille Sarcus, laissant penser que cet ensemble pourrait être attribué à Jean-Baptiste César, comte de Sarcus (1787-1875), sa mère Jacquine Hyacinthe Charlotte Le Mesnager de la Dufferie (1757-1843) et sa femme Bénigne Victoire Espiard de Macon (1783-1864).

ALGUE (Fucus vesiculosus)
Planche de l’herbier de Sarcus, XIXe siècle
©Cmn/GLSG

Les listes qui accompagnent les cartons d’archives mentionnent un certain Monsieur Morthereux, vraisemblablement le chirurgien-major Joseph Morthereux qui servait dans le régiment du capitaine Jean-Baptiste César de Sarcus. Les spécimens sont collectés dans des lieux variés comme à Paris ou dans les environs de Paris, au Bois de Vincennes, au Bois de Boulogne, dans la Forêt de Saint Germain mais aussi à la Dufferie, à Épinal, Rouen, Montmorency ou au Plessis-Picquet. Aucune feuille ne mentionne la localisation de Bussy-Rabutin, laissant penser que cet herbier est antérieur à l’acquisition du domaine, ce que corrobore la date de 1824 présente sur l’une des planches. La nomenclature botanique est conforme à celle de la période. On y dénombre environ 81 familles. Cette précieuse étude, ainsi qu’un déplacement sur place le 8 février 2022 pour visiter les lieux, découvrir la végétation et rencontrer les équipes a servi de point de départ à cette œuvre unique. 

FOUGÈRE (Polipodium driopteris)
planche de l’herbier de Sarcus, XIXe siècle ©Cmn/GLSG
  • UN HERBIER-PATRIMOINE CONTEMPORAIN
Herborisation au mois de juin 2022 ©Cmn/GLSG

En mémoire de cet herbier, j’ai créé à mon tour ‘L’Herbier de Bussy-Rabutin 2022’ afin de rendre hommage à la passion du Comte de Sarcus pour la botanique mais aussi pour son jardin et ses terres.  Ce recueil de nouvelles planches botaniques modernes est constitué de 75 spécimens classés au sein de 38 familles botaniques, par ordre alphabétique. Ces derniers ont été récoltés dans le jardin et le parc de Bussy-Rabutin le mardi 14 juin 2022. 2 d’entre eux ont été cueillis par des membres de l’équipe du château. 

Ces planches s’inspirent du matériel existant pour montrer un aspect de la personnalité de ce gentleman cultivé rousseauiste et de sa famille qui herborisaient parce que la pratique de l’herbier était un loisir à la mode mais aussi car ils avaient un goût très vif pour les sciences naturelles et la botanique, alors marquée par le développement de la nomenclature binominale de Carl von Linné (1707-1778). Le Comte de Sarcus possédait par exemple La Botanique de Rousseau (ouvrage qui semble avoir été beaucoup utilisé) et La Flore des Environs de Paris dans sa bibliothèque. Grand érudit en lien avec les sociétés savantes locales, Jean-Baptiste de Sarcus s’intéressa de près à l’agronomie autant qu’à l’histoire du Grand Siècle dans un esprit encyclopédique. C’est ainsi qu’il entreprit de valoriser le château et l’œuvre de Roger de Bussy-Rabutin (1618-1693). 

L’Histoire amoureuse des Gaules
par Bussy-Rabutin ©Cmn/GLSG
  • PRÉSENTATION DE L’HERBIER DE BUSSY 2022
Introduction de l’Herbier de Bussy 2022
plume et encre sépia ©Cmn/GLSG

    L’idée de cet herbier moderne est d’exhausser le patrimoine naturel du château de Bussy-Rabutin comme support pédagogique et culturel de la restauration de l’aile Sarcus mais aussi de saisir l’esprit botanique propre au Genius loci (esprit du lieu). Il se veut observation de la beauté du vivant. Classé selon les familles de plantes, il abrite des fleurs des champs, des herbes médicinales, des variétés horticoles, des orchidées sauvages, des arbres, des arbustes d’ornement. Cette œuvre souhaite garder un témoignage de la biodiversité des lieux en 2022 en faisant état des changements scientifiques de la nomenclature botanique depuis l’époque de la famille Sarcus. Par exemple, la famille des Ombellifères est désormais celle des Apiacées, ou la famille des Crucifères est devenue celle des Brassicacées. 

L’herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG

D’autre part, certains spécimens sont désormais classés dans d’autres familles avec l’arrivée de la classification phylogénétique, nouvelle méthode qui s’est substituée à la classification linnéenne au XXe siècle pour définir les spécimens en se fondant sur les principes d’évolution et de parenté génétique. À l’époque du Comte de Sarcus, plusieurs espèces se ressemblent structurellement mais sont éloignées génétiquement : par exemple la Cardère qui était classée dans la famille des Dipsacacées est indiquée actuellement dans la famille des Caprifoliacées. Dans une époque comme la nôtre où tant de menaces pèsent sur l’environnement, une planche est consacrée au buis (Buxus sempervirens) sous la forme de deux rameaux : l’un est dénudé car il a été attaqué par la pyrale du buis (Cydalima perspectalis) et l’autre est sain car il a été traité. Il rappelle les ravages de ce lépidoptère (famille des Crambides) en Europe depuis plusieurs années. 

Couverture reliée de l’Herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
  • « COLLIGIT UT SPARGAT« 
Panneau symbolique « Colligit ut spargat »
dans la salle des Devises ©Cmn/GLSG

La devise « Colligit ut spargat » qui figure en exergue de l’herbier évoque l’une des citations peintes dans la salle des devises du château. Elle représente les rayons du soleil qui extraient les vapeurs de la terre : « Il amasse pour répandre ». Ainsi la lumière du soleil a fait germer les végétaux rassemblés dans cet ouvrage.

Citation en exergue de l’herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
  • TABLEAU SYNOPTIQUE DE L’HERBIER 2022

Cet herbier, conçu entre mars et août 2022, est constitué de 200 pages contenant 75 planches botaniques présentées selon l’ordonnance suivante, en suivant l’ordre alphabétique des 38 familles de plantes :

PAGESHERBIER DE BUSSY – SYNOPTIQUE FAMILLE 
   
 COUVERTURE 
 PAGE DE GARDE 
1PAGE BLANCHE  
3PAGE DE TITRE  
5PAGES DE DEDICACE 
(devise inspirée par la salle des Devises de Bussy )
Colligit ut spargat  
(« Il amasse pour répandre ») 
7 à 13 INTRODUCTION 
   
15AIL DES OURS 
Allium ursinum
Alliaceae 
17BERCE SPHONDYLE
Heracleum sphondylium 
Apiaceae 
19CERFEUIL DES FOUS
Chaerophyllum temulum
Apiaceae 
21LIERRE GRIMPANT 
Hedera helix
Araliaceae 
23FOUGÈRE SCOLOPENDRE  
Asplenium scolopendrium subsp. scolopendrium
Aspleniaceae
25ACHILLÉE MILLEFEUILE 
Achillea millefolium 
Asteraceae
27CENTAURÉE DES MONTAGNES 
Centaurea montana
Asteraceae
29LAMPSANE COMMUNE
Lapsana communis 
Asteraceae
31MARGUERITE COMMUNE
Leucanthemum vulgare 
Asteraceae
33SANTOLINE À FEUILLES DE ROMARIN
Santolina rosmarinifolia
Asteraceae
35SÉNEÇON DE JACOB 
Jacobaea vulgaris 
Asteraceae
37VERGERETTE ANNUELLE 
Erigeron annuus
Asteraceae
39CHARME COMMUN 
Carpinus betulus
Betulaceae
41VIPÉRINE COMMUNE 
Echium vulgare
Boraginaeae
43CRESSON DE FONTAINE 
Nasturtium officinale
Brassicaceae
45BUIS COMMUN
Buxus sempervirens
Buxaceae
47CHÈVREFEUILLE DU JAPON
Lonicera japonica
Caprifoliaceae
49VALÉRIANE DES MURS BLANCHE 
Centranthus ruber ‘
Albus’
Caprifoliaceae 
51VALÉRIANE DES MURS ROUGE 
Centranthus ruber
Caprifoliaceae 
53COMPAGNON BLANC 
Silene latifolia
Caryophyllaceae
55ORPIN BLANC 
Sedum album
Crassulaceae 
57ORPIN ÂCRE 
Sedum acre
Crassulaceae 
59SOUCHET ROBUSTE
Cyperus eragrostis
Cyperaceae
61CARDÈRE SAUVAGE 
Dipsacus fullonum

Caprifoliacées
(anciennement Dipsacaceae)
63FOUGÈRE MÂLE 
Dryopteris filix-mas (adulte)
Dryopteridaceae 
65FOUGÈRE MÂLE 
Dryopteris filix-mas (juvénile)
Dryopteridaceae 
67EUPHORBE DES BOIS 
Euphorbia amygdaloides
Euphorbiaceae
69GLYCINE DE CHINE
Wisteria sinensis
Fabaceae
71LUZERNE LUPULINE
 Medicago lupulina
Fabaceae
73TRÈFLE FLEXUEUX 
Trifolium medium 
Fabaceae
75TRÈFLE DES PRÉS 
Trifolium pratense
Fabaceae
77VESCE DES HAIES 
Vicia sepium
Fabaceae
79VESCE COURONNÉE 
Coronilla varia
Fabaceae
81HÊTRE DES FORÊTS
Fagus sylvatica
  
Fagaceae 
83GÉRANIUM DES BOIS 
Geranium sylvaticum
Geraniaceae 
85GÉRANIUM HERBE À ROBERT 
Geranium robertianum
Geraniaceae 
87GÉRANIUM HERBE À ROBERT 
Geranium robertianum (fin floraison)
Geraniaceae 
89NOYER COMMUN 
Juglans regia
Juglandaceae 
91BRUNELLE COMMUNE
Prunella vulgaris
Lamiaceae 
93ÉPIAIRE DE BYZANCE 
Stachys byzantina
Lamiaceae 
95LAVANDE OFFICINALE 
Lavandula angustifolia
Lamiaceae 
97SAUGE VERTICILLÉE 
Salvia verticillata
Lamiaceae 
99MAUVE SYLVESTRE 
Malva sylvestris
Malvaceae
101MAUVE ALCÉE 
Malva alcea
Malvaceae
103TILLEUL COMMUN  
Tilia x europaea
Malvaceae
105ONAGRE 
Oenothera biennis
Onagraceae 
107OPHRYS ABEILLE 
Ophrys apifera
Orchidaceae 
109ORCHIS BOUC 
Himantoglossum hircinum (juvénile et adulte)
Orchidaceae 
111ORCHIS PYRAMIDAL
Anacamptis pyramidalis
Orchidaceae 
113CORYDALE JAUNE 
Pseudofumaria lutea
Papaveraceae 
115PIVOINE OFFICINALE 
Paeonia officinalis
Paeoniaceae 
117CYMBALAIRE DES MURS 
Cymbalaria muralis
Plantaginaceae 
119PLANTAIN LANCÉOLÉ 
Plantago lanceolata
Plantaginaceae 
121DACTYLE PELOTONNÉ 
Dactylis glomerata
Poaceae 
123FÉTUQUE CAPILLAIRE 
Festuca filiformis
Poaceae 
125IVRAIE VIVACE 
Lolium perenne
Poaceae 
127HOULQUE MOLLE 
Holcus mollis
Poaceae 
129PANIC ÉRIGÉ 
Panicum virgatum
Poaceae 
131ACONOGONON 
Koenigia alpina
Polygonaceae 
133LYSIMAQUE COMMUNE
Lysimachia vulgaris
Primulaceae 
135BOUTON D’OR – RENONCULE ÂCRE
Ranunculus acris
Ranunculaceae
137ALCHEMILLE 
Alchemilla mollis
Rosaceae
139BENOÎTE COMMUNE
Geum urbanum 
(en fleur et en graine)
Rosaceae
141ROSIER MUSQUÉ
Rosa moschata
Rosaceae
143RONCE COMMUNE 
Rubus fruticosus 
Rosaceae
145SORBAIRE À FEUILLE DE SORBIER 
Sorbaria sorbifolia
Rosaceae
147SPIRÉE DU JAPON 
Spiraea japonica
Rosaceae
149GAILLET MOU 
Galium mollugo
Rubiaceae 
151ÉRABLE-SYCOMORE 
Acer pseudoplatanus
Sapindaceae
153HEUCHÈRE SANGUINE
Heuchera sanguinea
Saxifragaceae 
155PHYSALIS 
Physalis alkekengi
Solanaceae 
157TAMARIS DE FRANCE 
Tamarix gallica
Tamaricaceae 
159IF COMMUN 
Taxus baccata
Taxaceae
161ORTIE DIOÏQUE 
Urtica dioica
Urticaceae 
163HÉMÉROCALLE FAUVE 
Hemerocallis fulva
 Asphodelaceae 
(Liliaceae/
Xanthorrhoeaceae anc.)
   
167 à 189INDEX 
191CYANOTYPE DE BERCE  
193 à 195ELOGE DU DUCTUS 
ET DE L’ESTHÉTIQUE BOTANIQUE
 
197 à 198REMERCIEMENTS 
199TABLE DES MATIÈRES  
  • QUELQUES EXEMPLES DE PLANCHES 
Planche de la VERGERETTE ANNUELLE (Erigeron annuus)
herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
Planche de la CARDÈRE SAUVAGE (Dipsacus fullonum)
herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
Planche de la FOUGÈRE MÂLE ADULTE (Dryopteris filix-mas)
herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
Planche de la LAVANDE OFFICINALE (Lavandula angustifolia)
herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
Planche de la CORYDALE JAUNE (Pseudofumaria lutea)
herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
Planche du PLANTAIN LANCÉOLÉ (Plantago lanceolata)
herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
Planche du ROSIER MUSQUÉ (Rosa moschata)
herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
  • UN CYANOTYPE DE BERCE, UNE PLANTE LOCALE
BERCE SPHONDYLE (Heracleum sphondylium) cyanotype,
herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG
Spécimen de la BERCE SPHONDYLE (Heracleum sphondylium)
herbier de Bussy 2022 ©Cmn/GLSG

Au cours du montage de l’herbier, j’ai été inspirée par les formes de la Berce sphondyle (Heracleum sphondylium) qui croît spontanément dans les prairies de Bussy. J’ai donc introduit ce tirage unique fait avec le spécimen qui figure p.17 et qui permet de montrer un aspect de la plante dans sa silhouette. Elle rappelle aussi une technique ancienne de photogramme du XIXsiècle. 

LA TECHNIQUE DU CYANOTYPE

GLSG est une des pionnières en France de la redécouverte du cyanotype (- du bleu cyan), une technique ancienne du XIXe siècle qui fait partie de l’une des branches de la photographie : le photogramme ou impression de la lumière. Elle crée ses premières séries botaniques à partir d’empreintes de plantes en 2017, puis poursuit ses recherches autour de certaines familles botaniques (Apiaceae, Poaceae, algues, fougères) pour magnifier les formes hybrides de la biodiversité grâce au célèbre Bleu de Prusse. Les quatre éléments terre, feu, eau et air participent pleinement à l’élaboration de chaque œuvre, toujours unique.

  • ÉLOGE DU DUCTUS ET DE L’ESTHÉTIQUE BOTANIQUE
Éloge du Ductus et de l’esthétique botanique ©Cmn/GLSG

« Dans une civilisation de plus en plus virtuelle et tournée vers l’abstraction, il m’a été nécessaire de revenir à la matière, à la main, à l’écriture, au « ductus » et à tout ce qui contribue à nous rendre charnels, comme la nature est elle-même charnelle à sa façon. Cet herbier-manuscrit est appelé à être consulté, touché et à confier ses pages délicates aux mains des visiteurs. Il est le fruit d’un travail patient de plusieurs mois qui s’est déroulé en étapes précises :  cueillette des spécimens, séchage sous presse avec aération régulière, vérification de la tenue des végétaux, identification des plantes, organisation du recueil, montage des spécimens pour les fixer de façon optimale et…écriture. 

C’était instinctif ! C’était une intuition qui m’est devenue une évidence :   il me fallait prendre la plume et écrire, en trempant jour après jour cette plume dans l’encrier afin de « broder » en encre sépia chaque nom de plante sur le papier comme un labyrinthe botanique. Au rythme de l’été 2022, j’ai pris le temps bienheureux d’écrire dans l’ombre, page après page, en français et en latin, les titres des spécimens que j’avais cueillis quand le soleil était encore au zénith de juin. Et j’ai réfléchi au beau terme de ductus qui est issu du latin ducere c’est-à-dire « tirer, conduire », tracer ». Il est employé plus particulièrement pour désigner l’action de tracer des lettres et de diriger sa main, notamment dans le geste de l’écriture. Avec l’ère du numérique, nous traçons de moins en moins nos mots : nous les « tapons » ! Mais entre tracer et taper, que de nuances ! Il semble que la personnalité s’efface soudain et que ce geste séculaire et civilisé de l’écriture, propre à chacun et unique comme toute empreinte digitale, s’abolit au profit de textes simplement informatiques. Et je ne voulais pas, je ne voulais rien d’informatique dans ce recueil. Il fallait y faire circuler le sang de l’encre ou rien !

J’ai donc courbé la main, étreint ma plume, tracé chaque caractère avec l’heureuse souffrance et la mystérieuse joie que procure le fait de mettre au monde un unicum, une œuvre unique, une création originale. Quelques taches ou ratures, inévitables, apparaissent parfois. Je n’ai rien fait pour les dissimuler vraiment comme certaines cassures de plantes révèlent leur absolue fragilité : il n’était pas question de supprimer ces témoignages comme l’on ne peut gommer la cicatrice d’une blessure. Il faut que le papier palpite et redise à jamais les efforts de la main qui a souri et pleuré en traçant la rivière d’encre désormais asséchée mais riche de son effort pour chercher à unir botanique et esthétique. Il fallait que le ductus de l’écriture fasse écho au ductus du mouvement des plantes qui anime leur structure et parer d’escarbilles d’or ces signes offerts au regard. 

Et maintenant, Herbier, va vers ta destinée, redire à ceux qui te liront combien la main de la Nature est harmonieuse ! »

Gabrielle de Lassus Saint-Geniès, été 2022

©GLSG, janvier 2023