Le Songe de Gérontius par John Henry Newman/Elgar (1865 et 1900)

 

John Everett Millais (1829-1896), Portrait du Cardinal John-Henry Newman, 1881, huile sur toile ©Londres, National Portrait Gallery

Écrit en 1865 par John Henry Newman, vingt ans après sa conversion de l’anglicanisme au catholicisme romain, Le Songe de Gérontius est un court poème écrit en anglais, sous forme d’un dialogue entre l’âme qui approche de la mort. Un oratorio a été créé à partir du livret de Newman par le compositeur anglais Edward Elgar en 1900.

L’argument choisi par Newman est d’une tonalité toute mystique. Il traite du sujet (ardu!) de la mort vécue chrétiennement en mêlant réflexions philosophiques et théologiques par l’entremise de la poésie. Le pari est osé: en ne met pas en scènes des anges, des diables et des âmes sans le risque de tomber dans un surnaturel de mauvais goût, mais Newman est doué de tant de qualités littéraires et spirituelles qu’il parvient à relever le défi avec la grâce anglaise qui le caractérise.

Argument

Gérontius se recommande à Jésus et à Marie tandis que les assistants, ainsi qu’un prêtre, prient pour son salut. L’ange et l’âme de Gérontius se parlent et répondent l’un à l’autre. Puis les démons accusateurs arrivent en cherchant à les culpabiliser. Il s’agit d’une ascension vers le Ciel entre choeurs angéliques, choeurs maléfiques  jusqu’à ce qu’intervienne le douloureux ange de l’agonie, puis les âmes du Purgatoire. Enfin voici ici l’un des airs les plus célèbres, c’est-à-dire le final de l’ange: « Soflty and gently, dearly-ransomed soul ». Après les tourments de l’âme prête à paraître devant son créateur, l’ange lui apporte la paix et la consolation.

The Angel

Softly and gently, dearly-ransomed soul,
In my most loving arms I now enfold thee,
And o’er the penal waters, as they roll,
I poise thee, and I lower thee, and hold thee.
And carefully I dip thee in the lake,
And thou, without a sob or a resistance,
Dost through the flood thy rapid passage take,
Sinking deep, deeper, into the dim distance.
Angels to whom the willing task is given,
Shall tend, and nurse, and lull thee, as liest;
And Masses on the earth, and prayers in heaven,
Shall aid thee at the Throne of the Most Highest.
Farewell, but not for ever! brother dear,
Be brave and patient on thy bed of sorrow;
Swiftly shall pass thy night of trial here,
And I will come and wake thee on the morrow.
Farewell! Farewell!

Voici la traduction française (par M-A Pératé):

L’Ange 

Doucement, tendrement, âme chèrement rachetée, je te tiens dans mes bras très aimants, et, sur les eaux pénales qui coulent, je te soutiens en équilibre et te descends. 

Avec sollicitude, je te plonge dans le lac, et toi, sans un sanglot, et sans résistance, tu te laisses emporter par le fleuve rapide et tu t »enfonces de plus en plus profondément dans le vague lointain. 

Les Anges, chargés avec amour de la secourable tâche, te soigneront, te berceront, te consoleront dans ta peine, et des Messes sur la terre, des prières au ciel te viendront en aide devant le trône du Très-Haut. 

Adieu, mais non pas pour toujours, frère aimé! Sois fort, sois patient sur ton lit de douleur : ta nuit d’épreuve passera rapide et je viendrai t’éveiller au matin. 

©Gabrielle de Lassus Saint-Geniès, le 11 novembre 2013