L’Amante – Gabrielle de Lassus Saint-Geniès – Poésie

Être à toi me suffit plus que tout autre vœu
Mais ton secret contient bien trop de mystères,
Et que devenir sous tes bien-aimés yeux
Sinon femme d’or et femme de poussière ?

Je suis la fille-femme bénite et maudite
Par ceux qui m’aiment et ceux qui ne méditent.

Je suis l’inconstante qui dit coquettement :
« Je vous aimerai quand mes cheveux seront blancs ! »

Je suis la fidèle qui murmure heureuse
Ton nom comme le chant aux lèvres des brodeuses.

Je suis la farouche refusant tes baisers,
La farouche que nul ne sait apprivoiser.

Je suis la nymphe, la rêveuse angélique,
L’alanguie des dalles fraîches du Pentélique.

Je suis l’ouragan terrible issu d’un volcan
Plus ivre qu’un tonnerre au ciel éclatant.

Je suis la comédienne sans vergogne,
Celle qui derrière son masque rit ou grogne.

Je suis l’amante simple qui n’attend que toi,
Celle vivant de ta bouche comme seule loi.

Je suis la mendiante quand l’hiver circule
Et que les cailloux des villes percent mes mules.

Je suis la tragique aux draperies obscures,
Aux vaines implorations et aux larmes pures.

Je suis l’odalisque renversée de plaisir
T’offrant son corps torrentueux de désirs.

Je suis l’orgueilleuse, dédaigneuse des hommes
Dans ma tour haute où je n’accueille personne.

Je suis la carmélite aux grilles sans geôlier
M’abandonnant à l’amour de l’Eternité.

Je suis la jalouse plus jalouse qu’aucune
De te voir admirer toute blonde ou brune.

Je suis la princesse insouciante en son palais,
Décorant son bichon de rubans violets.

Je suis la parque discourant sur l’arène,
Jetant l’anathème aux frivoles mondaines.

Je suis la sultane diamantée de saphirs
Vifs comme mes yeux devant ton sourire.

Je suis l’impie querellant chaque religion
Pour y rechercher la véritable raison.

Je suis la fée tendre qui sur toi se penche
Et t’enlace doucement de ma magie blanche.

Je suis la lépreuse impossible à contempler
Sans prendre ce mal ne cessant de me ronger.

Je suis la pieuse tous les jours à l’église,
Qui repasse son âme comme sa chemise.

Je suis la courtisane au corps de tentation,
Provocante à travers mes dangereux jupons.

Je suis la pauvresse, souillon de charité,
Énigme du riche monde écrasant mes pieds.

Je suis la vierge impénétrable et chaste,
La vestale gardienne de sa caste.

Je suis la séductrice qui a oublié
Le prénom des amants l’ayant déshonorée.

Je suis le rire, la gaieté, l’allégresse,
Celle qui fait de toi sa double jeunesse.

Je suis la charnelle des chambres en secret,
La sensuelle qui le matin disparaît.

Je suis la noblesse, la servante, l’or,
La pacotille, les ténèbres, l’aurore…
Je ne suis qu’une âme dépendant de ton âme
Et comment sans toi homme, saurais-je être femme ?

 

©Gabrielle de Lassus Saint-Geniès, 2003