Réécouter un prélude de César Franck

Il est bon de réécouter le célèbre Prélude Fugue et Variation de César Franck (B Mineur, opus 18) ici joué par Vladimir Viardo, en lisant quelques témoignages de l’époque sur le personnage et l’oeuvre. 

« Trente ans environs après sa sortie du Conservatoire, le 1er février 1872, l’auteur des « Béatitudes » devait prendre possession de la chaire de la classe d’orgue à notre grande école de musique. L’arrêté ministériel, qui le nommait à ces fonctions, est daté du 31 janvier 1872. Autour de cet orgue du Conservatoire et de celui de l’église Sainte-Clotilde qu’il occupa pendant de si longues années, il groupa une phalange de disciples venus pour écouter la bonne parole. Parmi les plus marquants ou les plus zélés on pourrait  citer Vincent d’Indy, Augusta Holmès, Pierné, Dallier, Samuel Rousseau, Chapuis, Galeotti, Camille Benoit, Ernest Chausson, Bordes, A. Coquard, de Bréville, Guy Roparts, etc…il est facile de se le représenter à l’orgue de Sainte-Clotilde, donnant à son petit cénacle la primeur de ses grandes pièces ou de ses motets, toujours remarquables par la richesse et la variété des combinaisons polyphoniques : son portrait, d’une admirable ressemblance, a, en effet, été pris sur le vif par Mlle Jeanne Rongier. Assis devant ses claviers, un peu penché en avant, il pose la main droite sur les touches et, de la gauche, tire un des registres de l’instrument. La tête est de trios quarts, les yeux mi-clos ; le maître semble écouter des voix d’en haut lui soufflant ses chants mystiques. Ce qui captivait en lui, c’était non seulement la maîtrise de son enseignement, mais cette bonté d’âme, cet accueil bienveillant qui ne se démentirent jamais dans sa longue carrière du professorat. N’avait-il pas gagné cette affabilité, cette attitude un peu bénissante au contact du milieu ecclésiastique qu’il fréquenta, dans l’atmosphère de l’église sous les arceaux de laquelle il passe de si belles heures ? Ne le vous seriez-vous pas figuré revêtu du surplis et de l’étole ? N’aurait-il pas, dans les habits sacerdotaux, donné l’illusion du prêtre qui va monter à l’autel ? Ce qu’il y a de certain c’est que ses élèves le respectaient à l’égal d’un saint et ont conservé pour lui une vénération touchante. Ils l’appelaient le brave père Franck ; mais il n’y avait rien d’irrespectueux dans cette appellation familière. Ils se considéraient un peu comme ses enfants gâtés. »

in Hugues IMBERT, Portraits et études : César Franck, C.-M. Widor, Édouard Colonne, Jules Garcin, Charles Lamoureux, « Faust » par Robert Schumann, le « Requiem » de Brahms /. Lettres inédites de Georges Bizet, Fischbacher (Paris) 1894, pp.10-11.

César Franck à l'orgue, photographie d'après un tableau de Jeanne Rongier

César Franck à l’orgue, photographie d’après un tableau de Jeanne Rongier