Avoir avec toi touché l’été du soleil
Et redescendre au froid décembre de la terre
Sans espérer que revenir aux jours austères
Sans ton cher visage penché sur mon sommeil,
Avoir avec toi traversé tant de déserts
Et devoir te quitter quand nous trouvons un puits
Et connaître l’enfer après le paradis,
Pleurer les nuances de la peine qui serre,
Avoir posé mon front sur ton front bien-aimé
En étreignant tes mains comme des fruits d’amour
Cherchant dans ton regard des aveux en retour
Et devoir l’un de l’autre soudain s’arracher,
Avoir suivi dans cette maison ton chemin
Puis se rappeler en pleurs que ton rire est mort
C’est prolonger le supplice de notre sort
Comme le pendu figé tue l’air de chagrin,
Avoir ployé et déployé nos corps amants
Comme des oliviers se nourrissent de paix
Avoir eu ton souffle en mon souffle, ô mon doux faix,
Ô notre attirance subtile comme aimants,
Avoir incliné mes yeux vers ta bouche d’or
En chantant tout bas l’écho de ta voix amie
Et mourir à l’ombre cruelle de la nuit
Sans ton esprit gardien qui veille quand je dors,
Avoir avec toi connu la félicité
Et retourner à notre si vieille souffrance
Et revoir se rompre la digue d’espérance
Comme par un rocher deux vagues sectionnées,
Avoir avec toi vu les matins sans tombeaux
Et devoir s’exiler dans la terreur d’hiver
Et se résoudre à revenir au cimetière
Comme sous les cyprès va la veuve en sanglot,
Avoir couru vers les éblouissements nus
Sauvages comme les fugueurs de l’Hellespont
Et, soudain, chuter telle Hellé de la Toison
Prisonnière du mal vertigineux des nues,
Avoir parcouru le navire de ton corps
En m’émerveillant de ta farouche noblesse
M’endormir blottie dans l’amoureuse paresse
Et me lever sur le quai en ruine d’un port,
Avoir vu les licteurs de la joie replier
Leurs faisceaux d’or sous les faucilles des pleureuses
Voir se briser les mémoires affectueuses,
Avoir vécu immortels, puis agoniser,
Vraiment c’est n’avoir plus en soi qu’un coeur spectral
Comme une immense moisson d’amours impossibles,
Comme Icare ayant choisi le soleil pour cible
Devint l’enfant déchu de l’horizon fatal.
©GLSG, 2013