LIRE ET RELIRE le Traité de l’amitié de Matteo Ricci

 Father_Matteo_Ricci_CNA-300x192« Un ami qui ne me ferait aucun bien serait comme un ennemi qui ne me ferait aucun mal »

Contexte

A la fin de l’année 1595, le jeune jésuite Matteo Ricci (1552-1610) remet à Qian Zhai, prince de Jian’an le premier manuscrit européen  rédigé en langue chinoise, intitulé Traité de l’amitié (1), qui va rapidement circuler sous forme de copies dans les milieux lettrés chinois. C’est un succès qui mène à l’impression d’une seconde édition à Nankin en 1599. Entre temps, Ricci a envoyé une version latine de l’ouvrage à Rome. En 1601, on compte plus de dix-huit éditions, avant que le livre ne fasse partie de la bibliothèque impériale de Pékin au XVIIIème siècle.

Mais qui est au juste Matteo Ricci ? Qui est le prince de Jian’an ? Pourquoi un jésuite missionnaire italien parlerait-il de l’amitié, en adoptant la calligraphie et la langue chinoise ? La longue dédicace mérite ici d’être citée entièrement pour entrer dans l’univers de Matteo, un homme au destin extraordinaire, avant d’aller plus avant dans le cœur de l’ouvrage et d’étudier le contexte qui l’a vu naître :

« Moi, Matteo, suis venu par bateau de l’Extrême-Occident jusqu’en Chine. J’ai levé la tête (en signe de respect) devant les nobles vertus incarnées par le Fils du Ciel des grands Ming et les enseignements des princes de l’Antiquité. Les astres et les neiges se sont succédé de nombreuses fois depuis que j’ai élu domicile au-delà des montagnes. Au printemps de cette année, ayant traversé fleuves et monts, je suis parvenu à Jinling, où j’ai pu admirer les splendeurs de la capitale. J’en éprouvai une telle joie que je ne ressentais presque plus les fatigues du voyage. Avant de mettre un terme à mon long périple, j’ai ramené mon embarcation à Yuzhang où je l’ai amarrée, (au port) de Nanpu. De là, j’ai promené mon regard sur les Monts de l’Ouest, appréciant ces paysages d’une si singulière beauté. Je pensai que là devait être la retraite des hommes accomplis. Je m’attardai en ce lieu, incapable de le quitter : y laissant ma barque, je m’y installai. C’est ainsi que je pus rendre visite au prince de Jian’an. Celui-ci me reçut de bonne grâce, m’autorisant à le saluer longuement les mains jointes. Il me fit asseoir à la place de l’hôte, me fit servir du vin sucré, et me fit grand honneur. Le prince s’approcha ensuite et me dit en me serrant les mains : « Chaque fois qu’un gentilhomme vertueux daigne passer par mes terres, je ne manque pas de l’inviter et de lui témoigner mon amitié et mon respect. Les nations de l’Extrême-Occident sont des pays de grande morale. Je serais heureux d’entendre quelques propos sur l’amitié, qu’en pensez-vous ? » Ayant pris congé de lui, je commençai à rédiger ce que j’avais entendu sur le sujet depuis mon enfance. J’en composai l’opuscule que je présente ici  avec mes humbles respects. »

Matteo Ricci est un homme qui a laissé au loin l’océan de l’Occident pour sceller sa barque aux ports de la Chine éternelle. Le livre commence comme un récit d’aventures légendaires mais nous sommes bien loin de la légende !

Un sage voyageur infatigable

Avant d’en arriver à écrire cette belle introduction, Matteo Ricci avait dû surmonter bien des obstacles, à commencer par le refus de son père de le laisser entrer au noviciat des Jésuites en 1571 (2). Après une formation en Italie, il part au Portugal et affronte les vagues des mers en embarquant sur un navire en direction de Goa. Puis il passe par les combats de l’âme avant d’être ordonné prêtre à Cochin en 1580. Il a alors vingt-huit ans et fait partie de ces Européens qui désirent évangéliser l’Empire du Milieu tout en s’intégrant pleinement à la culture chinoise dans un but d’échanges réciproques, selon le principe d’inculturation, si cher aux Jésuites qui ont déjà entrepris de nombreuses traductions d’ouvrages chinois. Ce pays les fascine comme il fascina Marco Polo.

Quand Matteo Ricci arrive à Macao, en 1582, aux portes de la Chines, c’est l’époque de la dynastie Ming (1368-1644). Il apprend immédiatement le chinois et accompagne le jésuite Michele Ruggieri (1543-1607), considéré comme un des premiers sinologues. Après avoir obtenu l’autorisation de s’établir dans la province de Guangdong (Canton), en 1583, il s’installe à Zhaoqing, au sud est du pays. Pour des raisons politiques les Italiens sont mieux accueillis que leurs prédécesseurs portugais et espagnols dont François-Xavier (1506-1552) surnommé l’ « Apôtre des Indes » demeure le plus célèbre. Peu à peu, il s’intègre et se fond dans la culture locale en nouant des liens avec les lettrés et en adoptant leurs coutumes : il se laisse pousser la barbe, s’habille avec les mêmes vêtement que les mandarins, lit les auteurs classiques de l’Empire, travaille la calligraphie chinoise et la langue qu’il apprend  rapidement grâce à sa prodigieuse mémoire.

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C’est un grand scientifique passionné par l’astronomie, les mathématiques, la physique mais aussi la philosophie et la musique ! Il apporte avec lui astrolabes, horloges à cadran, compas, mappemondes, sphères armillaire, prismes permettant de décomposer la lumière solaire. Il partage volontiers son savoir et noue une amitié profonde avec des lettrés dont Xu Guanggi. Lorsqu’il arrivera plus tard à Pékin chez l’empereur Wanli, Matteo Ricci lui offrira une mappemonde, une épinette, des images du Christ et de la Vierge et deux horloges à sonnerie (une petite et une grande pour laquelle le roi fait bâtir une tour en bois coûtant plus de 3300 écus, comme le note le missionnaire!). Ce fut le début de l’horlogerie moderne en Chine. Ricci réforme aussi la calendrier chinois. Ses écrits sur la morale de Confucius et sur le « Seigneur maître du ciel » sont diffusés dans tout le pays. Il aime la musique et chante volontiers. Il publie à Pékin en 1608 huit airs avec accompagnement intitulé Airs pour cithare européenne, vraisemblablement pour clavecin ou clavicorde. Sa sensibilité musicale s’exprime pleinement dans le Traité de l’amitié où il effectue une comparaison entre l’amitié et la musique à l’aide d’une métaphore subtile: « Amitié et inimitié sont comme musique et cacophonie : c’est l’harmonie qui les différencie. L’harmonie est la source même de l’amitié. Elle permet au plus petit projet de vivre et grandir, alors que dans la discorde, les plus grands projets échouent. (La musique nous apporte l’harmonie, la cacophonie nous en éloigne. Lorsque deux amis vivent en harmonie, ils créent une musique. Lorsque deux ennemis sont en discorde, ils créent une cacophonie.) »

Avant d’arriver à Pékin en 1601, Matteo Ricci avait passé dix ans à Zhaoqing, avant d’être envoyé à la cour de l’empereur en tant qu’émissaire et ambassadeur du pape. Il part vers 1595 en empruntant la longue route qui remonte vers le nord du pays, mais il est expulsé alors qu’il fait une étape dans la « Capitale du Sud », à Nankin. Obligé de faire marche arrière, il s’arrête pendant cinq ans (1595-1600) dans la ville de Nanchang, où il reçoit la protection des notables et surtout celle du prince de Jian’an, qui apprécie hautement ses démonstrations astronomiques et scientifiques. Ce dernier tient une petite cour de province. Il lui demande de rédiger une série de réflexions sur l’amitié en s’inspirant des doctrines et pensées occidentales.  C’est ainsi que naquit le Traité de l’amitié, parvenu jusqu’à nous, après avoir miraculeusement traversé le temps et les mers.

Après ces retournements de situations et autres imprévus, Matteo Ricci finit donc par arriver à Pékin avec ses compagnons jésuites en 1601 où il devient le premier occidental intime d’un empereur de Chine. Ce dernier lui donne la permission de s’établir dans la capitale où il demeure jusqu’à sa mort en 1610. On peut encore aujourd’hui voir sa tombe à Pékin. Durant les deux dernières années de sa vie, il rédige en italien un Journal qui relate la mission jésuite en Chine tout en notant des descriptions très détaillées et minutieuses des coutumes et de la vie locale (5). Un précieux témoignage.

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Au cœur du Traité de l’amitié

Mais, venons-en au fait ! Le court opuscule du Traité de l’amitié se présente sous la forme d’une successions de cent maximes dont la simplicité sert de rhétorique efficace. On pense aux Lettres à Lucilius de Sénèque, aux Pensées de Marc-Aurèle,  à Plutarque, à la Politique, à  la Morale et à l’ Ethique à Nicomaque d’Aristote.  A bien des égards il anticipe des textes postérieurs comme les Maximes de La Rochefoucauld ou Les Deux Amis de La Fontaine (3). Mais l’unicité du Traité de l’amitié est surtout d’offrir un rare et précieux dialogue entre Extrême-Orient et Occident, en mêlant la sagesse antique et chrétienne avec la doctrine confucéenne (4) sous la forme d’une méditation philosophique et morale. Si le nom de Dieu n’apparaît que deux fois, la vertu (universelle) a une place prépondérante dans le manuscrit qui fut remis au prince à la fin de l’année 1595. Matteo Ricci a absorbé le style confucéen de la sagesse chinoise antique  pour la fusionner à la tradition philosophique occidentale, avec une sobriété amicale et respectueuse. On sent qu’il a créé une familiarité intellectuelle avec le prince éclairé de Jian’an, ainsi qu’une amitié déférente avec les lettrés chinois. C’est au-delà des témoignage des us et coutumes de l’époque, le symbole de l’entente cordiale que Matteo Ricci parvint à susciter entre la Chine et l’Europe. Avec prudence, courage, intelligence et charité, Matteo Ricci ne fut jamais un simple et bête diplomate du christianisme mais il se fit serviteur de la Sagesse et ami des hommes, en témoignant implicitement de l’amour vivant de son Dieu caché. Son exemplarité lui valut chez les Chinois le surnom de Li Madou, « le Sage d’Occident ». Un pseudonyme bien mérité !

Règles de l’amitié

Amitié (Friendship) par William Herbert Allen, Hampshire County Council (Arts and Museums Service)

Amitié (Friendship) par William Herbert Allen, Hampshire County Council (Arts and Museums Service)

Voici une sélection de quelques maximes que l’Oiseau-Lyre a regroupé sous des thèmes principaux qui n’existent pas dans l’ouvrage. Ces miscellanées méritaient un rapide classement succinct, par ordre alphabétique :

Confiance

« L’homme ne devrait jamais faillir à sa parole, même envers un ennemi. D’autant moins envers un ami. La confiance entre amis devrait aller sans dire. »

Connaissance de soi

« Comment puis-je être ami avec autrui si je ne puis être ami avec moi-même ? »

 Conscience de sa faiblesse

 « La haine qui nous incite à nuire à nos ennemis est plus profonde que l’amour qui nous incite à nous montrer bienveillants avec nos amis. Cela n’est-il pas la preuve que l’homme est faible dans sa bonté et fort dans sa haine ? »

 Conseil

 « Un ami droit et sincère ne doit pas constamment nous approuver, ni constamment nous désapprouver. Il nous approuve lorsque nous avons raison, nous désapprouve lorsque nous avons tort. Le seul devoir de l’ami est de parler sans détours. »

 Correction fraternelle

« Le mal que me font mes amis en me flattant de façon excessive est plus grand que celui que me font mes ennemis en me calomniant. (Je risque de tirer orgueil des flatteries de mes amis, alors que les calomnies de mes ennemis me rendent plus vigilant envers moi-même.) »

« Tolérer les vices de nos amis  revient à les faire siens »

« Un jour, un homme demanda à son ami de commettre un acte injuste, mais celui-ci refusa. Il dit alors : « A quoi bon vous avoir comme ami si vous refusez ce que je vous demande ? «  L’autre répondait : « A quoi bon vous avoir comme ami si ce que vous me demandez est injuste ? »

Emulation

« L’amitié n’a d’autre fin que celle-ci : si mon ami est meilleur que moi, je prends exemple sur lui ; si je suis meilleur que lui, je l’enseigne et le réforme. Cela s’appelle  » apprendre en enseignant, enseigner en apprenant « , les deux actions se complétant l’une l’autre. Si les qualités de mon ami ne méritent pas d’être prises en exemple, ou si mon ami est incapable de se réformer, quelle différence y aurait-il entre notre commerce amical et celui de personnes qui passeraient leur temps à s’amuser et plaisanter, et ne feraient que perdre leur temps ? (Un ami qui ne m’est d’aucun bénéfice est un voleur de temps. Or, perdre son temps est plus grave que perdre son argent, car celui-ci peut être rattrapé à nouveau, le temps, lui, ne peut se rattraper.)

Fidélité 

« Un vieil ami est chose précieuse, il ne doit être abandonné ; Remplacez-le sans raison par une amitié nouvelle, vous ne tarderez pas à le regretter. »

 Fidélité dans les épreuves

« L’on ne peut se fier à l’amitié de celui qui n’a été sollicité que dans des moments heureux. »

 « Celui qui, à mes heures de prospérité ne vient que si je l’invite et, lorsque je souffre, vient à moi de lui-même, celui-là est un ami ! » 

Humour

« Si mon amitié ne vous sert de rien, c’est que nous ne sommes, vous et moi, que deux flatteurs. »

Intérêt et désintérêt

«  Si un ami attend quelque chose en retour d’un présent, il ne s’agit plus d’un présent, mais d’un simple marché ».

  « Si tu es un véritable ami, tu m’aimeras par affection, et non par amour de mes biens. »

 « Celui qui, en amitié, ne voit que son intérêt propre et ne se préoccupe pas d’être utile  à son ami, celui-là n’est qu’un commerçant. Il ne mérite pas le nom d’ami. (L’homme de peu se lie d’amitié comme il prête de l’argent : il ne calcule que ses intérêts.)

Intimité

« Seul est mon ami intime celui à qui je peux tout dévoiler de mon cœur »

 « Avoir beaucoup d’amis intimes, c’est en réalité n’en avoir aucun »  

Joie

« Sans amitié ici-bas, point de joie »

 « On goûte d’autant plus la saveur d’une belle amitié lorsqu’on la perd ».

 Même si les opposés s’attirent, qui se ressemble s’assemble (!)

« Qui habite une teinturerie, fréquent les teinturiers et s’approche des teintures, évitera difficilement de se salir. Qui se fait ami avec un vaurien, n’entend et ne voit que ses méfaits, l’imitera nécessairement et souillera son cœur. »

Partage

« L’ami partage tout ce qu’il possède »

« Si deux personnes habituellement en bons termes deviennent ennemies sitôt que surgit un petit litige matériel, j’en déduirai que les motifs de leur amitié n’étaient pas vrais. Dans une relation juste, l’on partage tout, les profits comme les pertes. » 

Patience

« Gardons-nous de rompre une amitié établie. Car une fois rompue, même si nous ne pouvons la renouer pour un temps, il est difficile de lui restituer sa totalité. Une coupe de jade dont les morceaux ont été recollés n’a plus sa beauté, et peut se briser facilement : elle n’est plus d’une grande utilité. »

Réunion d'amis, par Edme Gustave Frédéric Brun, 4e quart 19e siècle, Musée des beaux-arts de Dole

Réunion d’amis, par Edme Gustave Frédéric Brun, 4e quart 19e siècle, Musée des beaux-arts de Dole

Pérennité

 « Nouer une amitié est chose difficile pour l’homme de bien, facile pour l’homme de peu. Mais, de même que ce qui est difficile à unir est difficile à briser, ce qui s’unit aisément se sépare aisément. »

 « Appliquez-vous à trouver de nouveaux amis, mais gardez-vous d’oublier les anciens. »

Prudence

 « Il faut se montrer prudent avant de nouer une amitié, digne de confiance après » 

« Les évènements de la vie d’un homme sont imprévisibles, et il est difficile de se fier  à une amitié : l’ami d’aujourd’hui se transforme parfois en ennemi, et l’ennemi en ami. Cela ne mérite-t-il pas vigilance et prudence ? » 

Réciprocité

« Si l’un n’a pas d’amour pour l’autre, l’on ne peut parler d’amitié entre deux êtres. »

Sincérité

« Il est difficile, en temps ordinaire, d’apprécier la sincérité de ses amis. C’est lorsque le malheur arrive que le cœur de l’ami se manifeste. Dans la détresse, l’ami véritable se rapproche, le faux s’éloigne »

 « Comment pourrais-je éprouver la sincérité de mes amis si je ne connaissais que le bonheur et jamais l’adversité ? »

Soutien

« Qui a accompli de grandes choses, s’il ne l’a fait en dépit d’une grande adversité, l’ a fait grâce à de grandes amitiés. (S’il n’a pas eu d’ennemis qui ont éveillé sa vigilance, il a nécessairement eu des amis qui l’ont soutenu.) »

Spiritualité/sens du Sacré

« Un homme seul ne peut venir à bout de tout. C’est pourquoi Dieu a ordonné aux hommes d’avoir des amis pour qu’ils s’entraident. Si la voie de l’amitié disparaissait, l’homme disparaîtrait avec elle. »

Vertus (amour des mêmes)

« Le prix de l’amitié réside dans nos intentions profondes. Combien d’amis liés par leurs seules vertus existe-t-il aujourd’hui ? »

« Lorsque des amis vulgaires sont ensembles, ils se divertissent plus qu’ils n’éprouvent de joie, et sont tristes en se quittant. Lorsque des amis vertueux se retrouvent, leur joie est plus grande que leur désir de se divertir, et ils se quittent sans regrets. »

 « Chaque fois que je rencontre par hasard un ami sage, fût-ce pour un très bref instant, ma volonté de faire le bien s’en trouve encouragée. »

« Une vertu inaltérable est la meilleure nourriture  d’une amitié durable. Il n’est chose dont on ne se lasse à la longue. Seule la vertu touche d’autant  plus qu’elle perdure.  Si elle est chose appréciable aux yeux de nos ennemis, elle l’est d’autant plus  encore à ceux de nos amis. »

 Enfin en conclusion, on citera cette remarque judicieuse et si d’actualité :   « Le nom d’ami était autrefois un mot respectable. Aujourd’hui, on en fait commerce, il est devenu comparable à une marchandise. Comme cela est regrettable ! »

Enfin que soit aussi remercié l’ami qui m’offrit ce livre en faisant preuve d’une sincère élégance amicale !

Copyright, G.L.S.G. le 9 février 2014

(Traité de l’amitié, ouvrage traduit du chinois par Philippe Che, avec une  introduction par Michel Cartier, éditions Noé, 2010)

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Note : C’est en s’inspirant de Matteo Ricci qu’a été conçu le fameux Dictionnaire Ricci des plantes de Chine, base de données lexicographiques entre le chinois et les princiales langues européennes (chinois, français, latin, anglais). Ce projet a été lancé en 1952 et aboutit en 2006 à un ouvrage contenant 16 500 noms de plantes chinoises et 3500 noms de matières médicales ! Une prouesse savante ! (Voir notamment le sit officiel du Grand Ricci : http://www.grandricci.org)

(1) Titre original : Traité de l’amitié, composé par Matteo Ricci, membre de la Compagnie de Jésus du Grand Occident, en réponse à Qian Zhai, prince de Jian’an.(2) La première biographie de Matteo Ricci a été écrite en latin par le père Nicolas Trigault, jésuite belge continuateur de la mission en 1615 (Histoire de l’expédition chrétienne au royaume de la  Chine, 1528-1610).
(3) Jean de La Fontaine, Les Deux Amis, in Les Fables
« (…) Qu’un ami véritable est une douce chose.
Il cherche vos besoins au fond de votre coeur;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même.
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s’agit de ce qu’il aime. »
(4) Confucius (552-479 avt JC)
(5) C’est aussi à Nicolas Trigault que l’on doit la publication des notes éparses de ce Journal, dans une version latine (De christina expeditione apud Sinas, ou Histoire de l’expédition chrétienne au royaume de la Chine) Quelques extraits sont cités dans Le Voyage en Chine, par Ninette Boothroyd et Muriel Détrie (coll. Bouquins, Robert Laffont, 1992, pp.117-130). On y note la description hautement intéressante des curiosités chinoises comme la laque ou sandaraque, les feux d’artifice, la variété des aromates, les cloches, l’imprimerie, les comédies, les cachets, l’art de l’écriture, les éventails, la ville de Pékin, la visite à l’Empereur.

Le passage sur la cérémonie du thé mérite d’être retranscrit. Le thé est totalement inconnu en Europe à cette période, mais on remarque que c’est une cérémonie qui n’a guère changé depuis le XVIe siècle :

« (…) cet arbrisseau de feuilles duquel se fait cette décoction fameuse des Chinois, Japonais et peuples voisins, qu’ils appellent cian (note: ou cha, c’est à dire le thé). L’usage de celle-ci ne peut pas être du tout ancien entre les Chinois, car on trouve en leurs vieux volumes aucun caractère hiéroglyphique pour la dénoter (…). Ils cueillent ces feuilles au printemps, les sèchent à l’ombre et les gardent pour leur décoction ordinaire, dont ils se servent presque toujours au boire,  non seulement à table, mais toutes les fois qu’un hôte entre pour visiter son ami. Car en devisant il est convié avec cette potion, et encore pour la deuxième et troisième fois, s’il retarde tant soit peu. On la boit ou plutôt on la hume toujours chaude et, par son amertume tempérée, elle n’est pas désagréable à la bouche et à la vérité saine, et sert à plusieurs choses, n’étant sa bonté utile à une seule, mais une commodité surpasse  l’autre en plusieurs et diverses occasions, et ainsi la livre se vend un écu, et souvent deux ou trois, si elle est estimée de la meilleure. La plus excellente au Japon est vendue dix et souvent douze écus d’or, pù l’on en use un peu autrement qu’en la Chine : car les Japonais mêlent ces feuilles pulvérisées en un gobelet plein d’eau chaude, à la quantité de deux ou trois cuillerées, et boivent cette potion ainsi mêlée. Mais les Chinois jettent quelque quantité de ces feuilles en un petit vaisseau d’eau bouillante et après cela, quand elle a attiré la vertu et faculté des feuilles, ils la boivent chaude, rejetant les feuilles. »

Jean-Baptiste Siméon Chardin, Femme buvant du thé, 1735, Hunterian Art Gallery (University of Glasgow)

Jean-Baptiste Siméon Chardin, La buveuse de thé, 1735, Hunterian Art Gallery (University of Glasgow)