LIRE ET RELIRE Fleurs de Marco Martella (2021)

DÉF. JARDIN : « Jardin – lieu où l’on a connu le bonheur et dans lequel on souhaite, tout au long de sa vie, pouvoir retourner. »

Qu’avez-vous lu récemment ?  De mon côté, j’ai terminé Fleurs le dernier opus de Marco Martella que je vous recommande vivement, publié en avril 2021 aux éditions Actes SudC’est un livre élégant avec une très belle couverture d’inspiration Art Nouveau qui donne le ton de cet ouvrage divisé en 8 chapitres courts portant simplement des noms de végétaux : Narcisses, Églantines, Pensées, Berces du Caucase, Plumbagos, Campanules, Roses et Zagare. Il se lit aussi facilement que l’on effeuille une marguerite ! 

RÉSUMÉ 


Chaque plante-Chapitre est associée à un souvenir botanique précis dans un lieu particulier, en Italie, en France, en Angleterre, aux USA, etc. C’est l’occasion pour l’auteur de faire part de réflexions philosophiques souvent nostalgiques suscitées par des rencontres généralement très originales avec des personnages réels ou fictifs liés à la botanique ou à l’art des jardins. 


AVIS 


J’ai été ravie par cette promenade fleurie ! J’ai plus particulièrement aimé le si beau chapitre sur l’herbier d’Emily Dickinson et celui sur William Morris. Marco Martella nous fait suivre des chemins inattendus entre rêves et réalités avec ce talent qui lui est propre. J’ai pu trouver beaucoup d’échos à ce que je ressens moi-même face au mystère nécessaire des jardins. Comme l’écrivain a raison de souligner combien il est important d’avoir le « droit à la beauté » et combien tout jardin est inséparable de celui qui l’a créé, avec la même finitude ! Et comment ne pas souscrire entièrement au concept évoqué de « premier jardin » ? Oui, derrière tout jardin, il y a un premier jardin qui plonge ses racines dans celui des paradis de l’enfance. L’exemple du jardin d’agrumes de sa mère devrait avoir un pouvoir évocateur auprès de beaucoup de lecteurs. Très juste est aussi la définition du jardin de notre écrivain-jardinier : « Jardin – lieu où l’on a connu le bonheur et dans lequel on souhaite, tout au long de sa vie, pouvoir retourner. »

Fleurs de Marco Martella, 2021 exemplaire de GLSG


FLORILÈGE DE CITATIONS

QUELQUES EXTRAITS ET CITATIONS

  •  » Quel est le « bon » endroit pour une plante si ce n’est celui où elle a trouvé toute seule les conditions les plus favorables à sa vie ? « 
  •  » Selon Novalis, si ma mémoire est bonne, il faut réunir tous les éclat d’Éden éparpillés dans le monde. Est-ce à cela que servent l’art ou la poésie ? À refaire de cette pauvre terre des hommes un paradis ? Peut-on faire repousser l’Éden ? Je me le demande encore et je sis maintenant que je mourrai sans avoir trouvé la réponse. Mais je peux mourir tranquille. Sais-tu pourquoi ? Parce que j’aurai pris soin d’un jardin. Et planté des arbres…« 
  •  » Peut-être un jardinier nouveau est-il en train de naître, pensai-je, et avec lui un nouvel homme qui aurait appris à habiter cette terre en se disant, comme tout bon jardinier, qu’il est le gardien du lieu qui lui est échu et non son propriétaire, et que c’est cette responsabilité, sa tâche la plus grande. Quoi qu’il en soit, le mieux rêve de retrouver une place dans le monde nous accompagne toujours. Si l’arrogance nous a chassés du paradis, ce n’est que grâce à l’humble sagesse du jardinier, à s passion pour les choses de la terre, qu’on pourra en retrouver le chemin. « 
  •  » (Les jardins sont) tous soumis au temps, tous ouverts à l’Imprévisible et à chaque instant menacés de disparition (car tel est le lot de chaque jardin, comme de chaque homme). « 
  •  » Les ramures presque nues des grands arbres resplendissaient encore au soleil, ce qui me fit penser que la beauté de ces parcs anglais, si bien soignés et composés comme d’admirables tableaux, est que la vie y devient une chose parfaitement ordonnée. Et la mort ? La mort n’est plus, vue d’un parc comme celui-ci, qu’un endormissement paisible, acceptable et accepté par l’univers tout entier. Peut-être, pensai-je, les beaux jardins ne servent-ils qu’à cela, à nous faire accepter l’inacceptable.  »
  •  » Morris éclata de rire.  » Ce n’est pas faux, dit-il, je ne suis qu’un vieux sentimental. Mais rien ne me fera changer d’avis : dans un monde laid ou avili on ne peut penser correctement, ni être heureux, et encore moins aimer. Je ne considèrerai pas la révolution achevée, conclut-il, tant que chaque homme n’aura pas la possibilité de faire quelque chose de beau avec ses mains ou avec sa tête… »
  •  » Savez-vous ce que c’est que l’amour ? Ou la vie ? Et pourtant vous êtes là, n’est-ce pas, vous aimez et vous vivez ! Non, ces choses-là, il ne faut pas tenter de les cerner, il faut juste les placer, une fois qu’on en a reconnu l’importance, au centre de son existence. « 
  • « …l’art éphémère des jardins (qui comme vous le savez, meurent souvent avec ceux qui les ont créés et soignés) « 
  •  » La route qui mène à un beau jardin, un de ces lieux qui comblent et qui consolent de tout, passé par l’incertitude la plus profonde, et la peur aussi ; elle doit traverser des paysages dévastés par une des innombrables guerres dont est faite l’histoire de l’humanité en général et de chaque individu en particulier. Et que, partant, cet Éden dont on me parlait parfois le samedi après-midi au catéchisme, ce jardin parfait et parfaitement innocent où Adam et Ève vécurent insouciants pendant quelques jours ou quelques heures, dans l’ignorance la plus totale de ce qui devait se passer hors de l’enclos, n’était qu’une fable absurde. « 

GLSG ©29 avril 2021