La rencontre de Jacob et Rachel au puits par William Dyce, une histoire d’amour biblique

William Dyce (1806-1864) La rencontre de Jacob et Rachel au puits, 1850, huile sur toile, 70.5 × 91 cm©Leicester, Museums and Galleries  

Peintre anglais de l’époque victorienne, William Dyce a laissé plusieurs peintures à motif biblique dont La Rencontre de Jacob et Rachel au puits qui fixe le premier face à face entre Jacob et Rachel relaté dans la Genèse (28, 1-14). Comme Dieu l’a promis dans un songe, il donnera à Jacob une descendance « aussi nombreuse que la poussière du sol ». Jacob se met en marche et arrive dans la campagne près d’un puits qui sert à abreuver le bétail. Il y rencontre Rachel, la fille de Laban qui garde le troupeau de son père. Le peintre saisit l’éblouissement réciproque qui anime les deux futurs époux. 

Tendu par l’amour soudain, Jacob s’incline, saisit la jeune Rachel et porte sa main droite sur son cœur. Il enlace son épaule de sa main gauche avec l’insistance de celui qui découvre son âme sœur. William Dyce représente la scène telle qu’elle est décrite dans le texte biblique : « Dès que Jacob eut vu Rachel, la fille de son oncle Laban, et le troupeau de son oncle Laban, il s’approcha, roula la pierre de sur la bouche du puits et abreuva le bétail de son oncle Laban. Jacob donna un baiser à Rachel puis éclata en sanglots. Il apprit à Rachel qu’il était le parent de son père et le fils de Rébecca, et elle courut en informer son père. » La suite du texte témoigne de l’amour passionné de Jacob pour Rachel mais, hélas, Laban souhaite donner sa fille aînée Léa en mariage selon l’usage. Jacob accepte donc de servir Laban pour l’amour de Rachel la cadette « pendant sept années qui lui parurent comme quelques jours tellement il l’aimait ». Cet épisode ne laisse pas présager la complexité de l’histoire sentimentale de Jacob évoquée dans la suite des chapitres de la Genèse. William Dyce ne souhaite pas entrer dans les détails qui suivront. Il désire seulement imaginer le moment de la naissance de l’amour entre les deux jeunes gens d’une façon quasi-romantique, dans l’esprit de l’art anglais du XIXe siècle pétri de sentimentalisme. L’on perçoit néanmoins, à travers la noble vision de Dyce, l’aspect intemporel de cette histoire d’amour de la Bible. 

Les deux personnages se tiennent au milieu d’un paysage dont l’horizon sert de toile de fond avec un aspect théâtral et minéral comme le montre la description minutieuse des rocs, des rochers et du sol pierreux. Au deuxième plan l’on aperçoit le troupeau de moutons qui constitue l’une des richesses de Laban. La lumière crue illumine le couple comme si nous assistions en direct à ce rendez-vous inattendu, au milieu de la chaleur d’un désert sans ombres. Le peintre s’est efforcé de restituer la matière et les motifs des tissus et des peaux de bête avec une intention presque archéologique. La position en mouvement de Jacob offre un contraste subtil avec l’aspect statique et timide de Rachel qui s’appuie sur le puits avec pudeur, non loin de la jarre en terre cuite qui sert à boire. La couleur pourpre de la ceinture du jeune homme fait écho à la coiffe rouge de la jeune fille.  

Il est intéressant de comprendre qu’à travers cette description idéalisée de la rencontre de Jacob et Rachel au puits, William Dyce, fervent chrétien, souhaite actualiser et humaniser ce thème ancien (voire lointain !) et lui donner une saveur authentique et moderne pour son temps. Jacob apparaît comme un jeune homme passionné, emporté par l’amour qu’il a conçu à la vue de Rachel. Le mouvement des deux mains posées sur sa poitrine est particulièrement émouvant comme si le futur patriarche voulait faire entendre à sa bien-aimée les battements de son cœur. Dans un aveu mutuel, les bras de l’un et de l’autre se rejoignent en formant déjà un seul cercle de chair, à peine conscients qu’ils tissent l’histoire du Salut au bord d’un simple puits. 

©GLSG, article pour la revue Chemin d’Eternité, rubrique Art et Foi, n°311, Juillet/Août 2022, pp.20-21