Dans ce magnifique poème, issu de son recueil Vers et prose (1865), Stéphane Mallarmé (1842-1898) écrit sur l’inspiration et la genèse poétique. Par analogie avec l’enfantement charnel, le labeur du poète exige tous les plus grands sacrifices, jusqu’à celui de ses nuits traversées d’insomnies créatrices.
Don du poème
Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée !
Noire, à l’aile saignante et pâle, déplumée,
Par le verre brûlé d’aromates et d’or,
Par les carreaux glacés, hélas ! mornes encor
L’aurore se jeta sur la lampe angélique,
Palmes ! et quand elle a montré cette relique
À ce père essayant un sourire ennemi,
La solitude bleue et stérile a frémi.
Ô la berceuse, avec ta fille et l’innocence
De vos pieds froids, accueille une horrible naissance
Et ta voix rappelant viole et clavecin,
Avec le doigt fané presseras-tu le sein
Par qui coule en blancheur sibylline la femme
Pour des lèvres que l’air du vierge azur affame ?