« Je parangonne à vos yeux ce crystal », le sonnet 75 de Ronsard

Essai

Atelier de Sandro Botticelli, Portrait de jeune femme, vers 1480-1485 © Musée Städel, Francfort -sur-le-Main

Je parangonne à vos yeux ce crystal,
Qui va mirer le meurtrier de mon ame :
Vive par l’air il esclate une flame,
Vos yeux un feu qui m’est saint et fatal.

Heureux miroër, tout ainsi que mon mal
Vient de trop voir la beauté qui m’enflame :
Comme je fay, de trop mirer ma Dame,
Tu languiras d’un sentiment égal.

Et toutes-fois, envieux, je t’admire,
D’aller mirer les beaux yeux où se mire
Amour, dont l’arc dedans est recelé.

Va donq’ miroër, mais sage pren bien garde
Que par ses yeux Amour ne te regarde,
Brulant ta glace ainsi qu’il m’a brulé.

Pierre de Ronsard, Les Amours de Cassandre, livre I, sonnet 75