La Pâquerette, une fleur d’heureux caractère

Emile Vernon (1872-1920) Jeune femme aux pâquerettes (détail), collection particulière, huile sur toile

Qui n’a jamais effeuillé la pâquerette en murmurant : « Il m’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie…pas du tout ! » ? Fleur des tisanes de poupées, des guirlandes d’enfant et des tapisseries millefiori médiévales, la pâquerette est devenue si commune qu’on oublie de la regarder et que l’on perd le souvenir de ses vertus. C’est dommage !

Plante populaire de la famille des Asteraceae, elle porte le joli nom botanique de Bellis perennis (du  latin Bellus, joli). C’est donc une beauté aussi pérenne que vivace qui fleurit spontanément quasiment toute l’année mais qui est particulièrement abondante, voire envahissante, à la période de Pâques, d’où son surnom. D’heureux caractère, elle supporte les piétinements sans se plaindre et colonise les prairies, gazons et bords de chemin en développant sa rosette basale à ras du sol avec sa racine pivotante. La pâquerette est une princesse modeste du jardin facilement reconnaissable avec sa fleur solitaire au cœur fleuronné de jaune et à la collerette de pétales blancs ourlés de rose qui se dresse au bout de sa tige. Même si on la surnomme « petite marguerite » il est facile de ne pas la confondre avec la marguerite (Leucanthemum vulgare) bien plus grande et large de taille. Elle se divise au printemps en touffes.

Symbolique

Maître du Haut Rhin, Le Jardin de Paradis v. 1410-20, technique mixte sur bois ©Städelsches Kunstinstitut und Städtische Galerie, Francfort-sur-le-Main.

Symbole de la Vierge, on la trouve dans les hortus conclusus du Moyen-âge aux côtés de l’ancolie, du lys et de la rose. C’est la fleur de l’amour, de l’affection et de l’innocence que l’on aperçoit aussi dans la tapisserie de La Dame à la Licorne. Les enfants en font des couronnes en les perçant au coeur et en les enfilant dans une tige. Elle inspire les artistes comme l’illustratrice britannique Cicely Mary Barker (195-1973) qui  imagine la Fée des pâquerettes dans son livre Le Jardin Féérique. Elle est citée dans de nombreux poèmes comme source d’inspiration à l’exemple de Ronsard :

(…) Dieu vous gard’, belles pâquerettes,
Belles roses, belles fleurettes,
Et vous, boutons jadis cognus
Du sang d’Ajax et de Narcisse ;
Et vous thym, anis et mélisse,
Vous soyez les biens revenus.

Dieu vous gard’, troupe diaprée
Des papillons, qui par la prée
Les douces herbes susotez :
Et vous, nouvel essaim d’abeilles,
Qui les fleurs jaunes et vermeilles
De vostre bouche baisotez.(…)

Usages culinaire, vulnéraire et cosmétique 

 

→ Et oui, toute la pâquerette est comestible : racine, feuilles, tige et inflorescences ! On peut en faire des salades, des soupes et des purées. Attention de récolter la plante dans la nature dans un lieu non pollué. Elles est riche en calcium. Les boutons de pâquerettes conservés dans un vinaigre aromatisé se consomment comme des câpres (voir notamment la vidéo de Christophe de Hody dans Le Chemin de la Nature). On en ajoutait autrefois quelques feuilles dans les salades de printemps afin de « purifier le sang » à la fin de l’hiver.

 

→ La tisane de pâquerette est dépurative, apaisante, cicatrisante et diurétique. Elle aide à lutter contre les troubles du foie et les douleurs rhumatismales. On peut en faire des décoctions concentrées de racines plus ou moins fortes qui aident à éliminer les toxines. Mâcher des feuilles fraîches favoriserait la cicatrisation des aphtes.

 

→ Le macérât huileux de pâquerette aide à raffermir la peau et les tissus, notamment le buste, le cou et la poitrine. Elle a des propriétés anti-rides et anti-vergetures. Huile de beauté, on peut en ajouter quelques gouttes dans sa crème de nuit. À appliquer en massage du bas vers le haut. S’utilise aussi en massage pour soulager les torticolis, les contusions, les hématomes et les ecchymoses.

 

  Recette du macérât huileux de pâquerette 

Ingrédients et matériel

– 100 ml  d’huile d’amande douce, d’huile d’olive ou d’huile de tournesol (à adapter selon la quantité souhaitée) 

– 20 à 30 inflorescences de pâquerettes 

– des ciseaux 

– un plateau 

– un récipient en verre

– un élastique et un tissu (pour protéger le récipient des UV)

– une cuillère en bois

– un entonnoir et une petite passoire

– un flacon de verre teint

– un stylo et une étiquette de papier 

1. Cueillir une dizaine de pâquerettes le matin de préférence

2. Les faire sécher sur un plateau quelques jours en les séparant bien (la pâquerette conserve ses qualités même séchées*) 

3. Déposer les pâquerettes au fond du récipient en verre sans tasser les fleurs. 

4. Ajouter l’huile selon la quantité souhaitée 


5. Remuer délicatement avec une cuillère en bois.

6. Couvrir d’un tissu le pot pour protéger l’huile des rayons UV directs qui abîment les molécules !  Mais attention à ne pas fermer totalement le couvercle afin que l’air circule bien. 

7. Étiqueter en indiquant la date et la composition du macérât. Puis laisser macérer au soleil ou près d’une source de chaleur stable (de type radiateur) pour que l’huile chauffe.  Remuer très régulièrement. Il faut laisser respirer le macérat huileux. 

8.  Après trois semaines, filtrer le mélange avec une passoire fine et verser le mélange obtenu à l’aide d’un entonnoir dans un joli flacon de verre sombre stérilisé (photo non contractuelle ci-dessous !;-).  Ajouter une étiquette indiquant la date et la composition du macérat. 

9. Et voilà ! 

©GLSG, le 9 avril 2020